Avis de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature du 15 septembre 2020

16 septembre 2020
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FORMATION PLENIERE DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE

Avis au Président de la République

- saisine du 19 juin 2020 -

 

 

 

 

A la suite des propos tenus le 10 juin 2020 par Mme Eliane Houlette, ancienne procureure de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris, devant la commission d’enquête parlementaire relative à l’indépendance de la justice au sujet de l’enquête ayant visé M. François Fillon, le Président de la République a saisi la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, en application de l’article 65 de la Constitution, pour savoir si le parquet national financier (PNF) « a pu exercer son activité en toute sérénité, sans pression, dans le cadre d’un dialogue normal et habituel avec le parquet général ». Il lui a demandé de prendre en compte le cadre institutionnel du « parquet à la française » c’est-à-dire un « parquet indivisible, hiérarchisé, sans instruction du garde des Sceaux dans les affaires individuelles ».

Pour répondre à cette demande d’avis, la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature a procédé à l’audition de magistrats – actuels et anciens - du parquet national financier, du parquet général près la cour d’appel de Paris, de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et de membres du cabinet de l’ancien garde des sceaux. Ce dernier n’a pas donné suite à l’invitation de la formation plénière à laquelle il a toutefois transmis une note explicative. Des pièces ont par ailleurs été demandées au PNF, à la cour d’appel de Paris et à la DACG couvrant une période comprise entre l’ouverture de l’enquête préliminaire et le renvoi de M. François Fillon devant le tribunal correctionnel. Enfin, le Conseil a reçu des contributions spontanées au sujet des enjeux institutionnels sous-jacents à la question posée.

Au terme d’investigations approfondies, la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature estime devoir distinguer, s’agissant des échanges intervenus dans cette affaire, d’une part les relations entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, et d’autre part la relation de subordination hiérarchique entre le PNF et le parquet général près la cour d’appel de Paris. Si ces différentes relations se sont déroulées dans le strict respect du cadre légal, les échanges au sein même de l’autorité judiciaire, entre le PNF et le parquet général près la cour d’appel de Paris, ont pu être marqués par une certaine tension, dans un contexte politico-médiatique hors normes (I).

Les conditions dans lesquelles cette procédure a été menée ont néanmoins suscité certaines incompréhensions fortes dans une partie de l’opinion publique, que les propos tenus par Mme Eliane Houlette ont ravivées. Ces interrogations pourraient être levées au prix d’une double réforme de structure : une rationalisation des remontées d’informations entre les parquets et le ministère de la justice (II), et une évolution du statut du ministère public (III).

 

I. L’analyse de l’enquête diligentée contre M. François Fillon

 

  • Les relations entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire

 

Les modalités de communication entre les parquets généraux et la DACG dans les affaires individuelles sont régies par la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique et par la circulaire du 31 janvier 2014. La formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature a vérifié le respect de ces textes et, pour ce faire, a recherché comment l’information avait circulé entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif dans cette affaire particulière.

Il résulte de ces recherches, dont le caractère exhaustif ne peut évidemment pas être assuré, que treize communications par mail, du parquet général vers la DACG, ont pu être recensées entre l’ouverture de l’enquête le 25 janvier 2017 et l’ouverture de l’information judiciaire le 24 février 2017, puis une trentaine au cours de l’information judiciaire jusqu’à sa clôture le 19 avril 2019, et enfin sept entre l’ordonnance de renvoi et la décision du tribunal correctionnel, le 29 juin 2010. Un nombre non négligeable de ces transmissions n’a visé qu’à confirmer ou infirmer des informations préalablement parues dans la presse.

La fréquence de ces remontées d’informations, certes importante, a été jugée par l’ensemble des personnes entendues parfaitement conforme à celle qui a cours dans les affaires les plus sensibles.

Le directeur des affaires criminelles et des grâces de l’époque a par ailleurs précisé que, compte tenu de la sensibilité du dossier et des risques de polémique, il avait été expressément décidé que la Chancellerie se contenterait des informations qui lui seraient adressées spontanément et ne prendrait pas l’initiative de demander de remontées d’informations au parquet général.

A cet égard, la majorité des informations ont effectivement été remontées spontanément par le parquet général. Le ministère de la justice n’a sollicité du parquet général, entre l’ouverture de l’enquête et les élections présidentielles, d’informations qu’à quatre reprises dans les conditions suivantes :

  • le 27 janvier 2017 à 14 heures 33, la DACG a demandé une actualisation du dossier avant 16 heures ;
  • le 31 janvier 2017 à 8 heures 44, la DACG a demandé une actualisation du dossier « dans de très brefs délais » ;
  • le 17 mars 2017 à 17 heures 40, la DACG a demandé au parquet général la confirmation « de l’identité de l’individu ayant offert pour 13 000 euros de costumes à François Fillon », antérieurement révélée par la presse;
  • le 28 mars 2017 à 22 heures 26, le directeur des affaires criminelles et des grâces a demandé à la procureure générale la confirmation de la mise en examen, révélée par la presse, de Mme Pénélope Fillon.

Par ailleurs, la remontée de l’information s’est révélée conforme aux préconisations de la circulaire du 31 janvier 2014, qui proscrit la transmission d’actes de procédure à la Chancellerie à l’exception des réquisitoires définitifs, ordonnances de règlement, jugements et arrêts. En l’espèce, aucun acte d’enquête n’a été transmis au ministère de la justice. Les seuls éléments du dossier envoyés à la DACG ont été le réquisitoire définitif du parquet du 10 janvier 2019, transmis le 11 janvier 2019, et l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 19 avril 2019, transmise le 23 avril 2019.

La proscription de toute remontée d’information sur des actes d’enquête à venir a également été respectée, à deux exceptions près :

  • par mail du 31 janvier 2017 à 19 heures 53, le parquet général a informé la DACG de ce que M. Marc Joulaud serait entendu le lendemain « comme l’a indiqué la mairie de Sablé sur Sarthe à la presse », précisant : « Marc Joulaud sera entendu en audition libre » ;
  • par mail du 4 février 2017 à 19 heures 36, le parquet général a informé la DACG de ce que le « sachant » désigné par le président de l’Assemblée nationale serait entendu le mardi suivant « à l’OCLCIFF en présence de deux magistrats du PNF ».

Surtout, aucune instruction n’a été émise par le ministère de la justice à destination du PNF pour le traitement de cette affaire, conformément aux dispositions de la loi du 25 juillet 2013. Ce constat est opéré par les membres du PNF, par ceux du parquet général, et par l’ensemble des échelons de la Chancellerie qui ont été entendus.

En définitive, les relations entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif dans le cadre de cette affaire doivent être qualifiées de conformes aux textes et pratiques habituelles, et de classiques au regard de la sensibilité de l’affaire.

 

  • Les relations, au sein de l’autorité judiciaire, entre le parquet général et le parquet national financier

 

La relation hiérarchique entre le PNF et le parquet général près la cour d’appel de Paris est prévue par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 qui a institué le PNF, et décrite par la circulaire du 31 janvier 2014 qui énonce que le PNF est placé « sous l’autorité hiérarchique du procureur général près la cour d’appel de Paris ». Lors de leur audition, les membres du parquet général ont insisté sur le rôle de celui-ci dans l’évaluation et la déclinaison de la mise en œuvre des politiques pénales, en particulier à partir des affaires individuelles, ainsi que sur sa fonction de soutien juridique et technique aux parquets.

C’est dans ce cadre que s’est inscrit le dialogue entre le parquet général et le PNF dans la période cruciale qui a couru du 25 janvier 2017, date d’ouverture de l’enquête préliminaire, au 24 février 2017, date d’ouverture de l’information judiciaire. Cette séquence a été marquée ‑ à 3 mois des élections présidentielles ‑ par une effervescence médiatique et politique, la presse se trouvant à plusieurs reprises en situation d’une part d’annoncer des actes de procédure susceptibles d’intervenir ou à venir, et d’autre part d’être le porte-voix d’analyses contestant la façon dont l’action publique a été conduite. La période a aussi été marquée par la grande rapidité des actes menés dans le cadre de l’enquête préliminaire, notamment les 15 premiers jours : perquisition à la Revue des deux mondes, auditions des époux Fillon, de M. Marc Joulaud, de Mme Marie Fillon et de M. Charles Fillon.

Dans ce contexte, les échanges entre le parquet général et le PNF ont été nombreux, à l’aune de la succession des événements et des articles de presse. D’un côté, le PNF a adressé spontanément de substantielles informations et rapports ; de l’autre, le parquet général a sollicité des informations complémentaires, dont deux relayant les questions adressées par la DACG les 27 et 31 janvier (supra).

La chronologie des échanges de mails révèle à cet égard des moments sensibles. Ainsi, le 31 janvier 2017, à la suite de l’audition des époux Fillon et de M. Ladreit de Lacharrière, l’avocat général central du parquet général a demandé par mail de 9h52 que des éléments d’information lui soient communiqués avec si possible « un retour avant 11 heures ». Après une première réponse téléphonique en fin de matinée, une réponse détaillée lui a été donnée à 16h06.

Le 3 février 2017, à 14h57, le parquet général a demandé par mail au PNF un certain nombre d’informations, de nature juridique, sur l’enquête. Le 5 février 2017, à 19h25, le PNF a répondu que « les éléments dont vous faites état vous seront communiqués le moment venu, lorsque les investigations dont vous êtes informés par courriels circonstanciés et oralement, auront suffisamment avancé pour nous permettre d’envisager l’orientation de ce dossier ».

Les 6 et 9 février 2017, les avocats des époux Fillon ont contesté par notes la compétence du PNF dans la procédure. Le parquet général a exprimé le besoin de recevoir ces notes pour procéder à une analyse juridique. Elles lui ont été remises les 7 et 13 février suivants.

Le 15 février 2017, une réunion a été organisée par le parquet général en présence de la procureure générale et de trois avocats généraux, et de la procureure de la République financier, accompagnée de trois membres de son parquet. Ce type de réunion n’est pas exceptionnel, et sa préparation ne semble pas avoir été tendue : les délais d’organisation apparaissent normaux et le matin même, le PNF a envoyé une note détaillée de suivi. Cependant la réunion s’est mal passée, et la procureure de la République financier y a mis fin sans que les positions, tout à fait opposées, aient pu s’accorder. Le point de divergence central concernait l'éventualité d’une ouverture d’information judiciaire, soutenue par le parquet général alors que la procureure de la République financier souhaitait poursuivre ses investigations dans le cadre de l’enquête préliminaire, selon la pratique habituelle du PNF. Pour autant, le parquet général n’a transmis par la suite aucune instruction, comme lui en donnait le droit l’article 36 du code de procédure pénale. Le 17 février 2017, la procureure générale a cependant fait parvenir au PNF, par dépêche, son analyse, sa « conviction » et sa recommandation sur ce point. Cette démarche s’est inscrite dans le strict cadre des compétences du parquet général. Mais la perception qu’a pu en avoir la destinataire de la note a été celle d’un manque de soutien, voire d’une certaine défiance.

Au vu de l’ensemble de ces échanges, toujours factuels, et des divers témoignages recueillis sur le traitement d’autres affaires sensibles, on peut considérer que, compte tenu des enjeux démocratiques et juridiques de l’affaire, le dialogue, quoique rugueux, n’a pas excédé, de part et d’autre, le cadre institutionnel. Pour autant, il n’a pas été vécu ainsi par une partie des protagonistes. On constate donc un écart entre la mise en œuvre effective de l’action publique par le PNF, en toute indépendance et cohérence, sans pression, et le ressenti de certains magistrats.

Mais ces tensions interpersonnelles et oppositions juridiques ne sauraient distraire aujourd’hui l’attention du constat fondamental d’un exercice de l’action publique indépendant par le PNF, ce qu’aucune des personnes entendues n’a d’ailleurs remis en cause.

Ainsi, la décision d’ouvrir, le 25 janvier 2017, une enquête préliminaire des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel a été prise librement par la procureure de la République financier, sans que la procureure générale près la cour d’appel de Paris ait été préalablement consultée.

A compter de cette date et jusqu’au 24 février 2017, date de l’ouverture de l’information judiciaire, les actes de l’enquête ont été menés à la seule initiative de la procureure de la République financier et sous son seul contrôle, sans aucune instruction de la procureure générale près la cour d’appel de Paris.

Les questions d’ordre juridique soulevées par l’enquête, tenant notamment au cadre procédural des poursuites, à la compétence du PNF au regard des infractions visées, et au risque de prescription de l’action publique lié à la publication imminente de la loi portant réforme de la prescription en matière pénale, ont donné lieu à des analyses approfondies du PNF, indépendantes de celles menées parallèlement par le parquet général de Paris.

Enfin, l’ouverture de l’information judiciaire par la procureure de la République financier le 24 février 2017 n’est intervenue qu’au seul motif du risque de prescription, du fait d’une évolution législative imminente, des infractions visées par l’enquête préliminaire, sans lien avec les échanges avec le parquet général, et notamment avec la dépêche de la procureure générale près la cour d’appel de Paris du 17 février 2017 suggérant cette ouverture.

Les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette procédure posent néanmoins une interrogation s’agissant des remontées d’informations, dont le cadre légal gagnerait à être précisé.

 

II. La rationalisation des remontées d’informations entre les parquets et le ministère de la justice

 

La loi du 25 juillet 2013 précitée a donné une base légale à la communication d’informations au garde des sceaux dans les affaires individuelles sans délimiter précisément les situations dans lesquelles elles doivent intervenir. La remontée d’informations est donc prévue par la loi, mais les critères de choix sont eux, généralement déterminés par les circulaires que chaque garde des sceaux signe traditionnellement dans les semaines suivant son entrée en fonctions.

Si les auditions réalisées ont confirmé qu’il y a « un avant et un après » la loi de 2013, l’information du pouvoir exécutif sur les affaires pénales individuelles constitue toutefois un important ferment de soupçon sur l’interventionnisme supposé du ministère de la justice, surtout lorsque des personnages publics de premier plan sont mis en cause. Le questionnement polémique sur les informations remontées au pouvoir exécutif génère un fort discrédit, tant des titulaires du pouvoir exécutif que des magistrats en charge des dossiers, invariablement soupçonnés de faire l’objet d’une instrumentalisation politique. L’affaire qui donne lieu à la présente demande d’avis n’a pas échappé à cette règle.

La réflexion sur la nature des informations remontées et sur leur périmètre n’est pas nouvelle. Ainsi, la Commission de modernisation de l’action publique présidée par M. Jean-Louis Nadal[1] avait constaté[2] que ces demandes d’informations « représentaient une charge de travail très lourde pour les parquets » et qu’elles pouvaient « provoquer un malaise chez de nombreux magistrats du ministère public, soit en raison des motivations prêtées à ces demandes, soit en raison de leur inutilité objective ».

Elle est relancée par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) pour les affaires suivies par le PNF. En effet, dans un rapport publié le 9 janvier 2020, le GRECO recommande que «  des  moyens  supplémentaires,  plus  particulièrement  en  personnel,  soient alloués  au  Parquet  national  financier  et  que  son  indépendance  par  rapport  à l’exécutif soit assurée,  notamment  en ajoutant  des  garanties  supplémentaires quant à la remontée d’information vers l’exécutif sur les procédures en cours qui concernent des personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif afin  de préserver l’intégrité des poursuites ». Il invite les autorités françaises à soumettre un rapport sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre cette recommandation avant le 30 juin 2021. Ces mesures ont vocation à être évaluées par le GRECO qui suivra sa procédure spécifique de conformité.

Aussi, la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature estime essentiel d’encadrer plus strictement la remontée d’informations sur les affaires signalées aux parquets généraux et suivies par la DACG, afin de tenter de supprimer ou du moins de limiter le soupçon d’immixtion du pouvoir exécutif dans le traitement des affaires individuelles.

S’il n’est pas question de proscrire par principe toute remontée d’informations, il est toutefois nécessaire de les circonscrire aux seules affaires permettant au garde des sceaux d'exercer pleinement ses attributions constitutionnelles et institutionnelles. Les critères de signalement d’un dossier sont actuellement trop nombreux, définis en des termes très vagues, et ne permettant pas d’identifier clairement les raisons pour lesquelles l’affaire mérite d’être signalée. Ils gagneraient à être inscrits dans la loi, afin de leur donner un caractère plus solennel et plus prescriptif. L’information du garde des sceaux aurait ainsi un fondement législatif textuel explicite. Un tel texte garantirait l’absence d’incidences de la remontée d’informations sur le secret de l’enquête menée.

Dans la ligne des préconisations de la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal, les affaires pouvant faire l’objet d’un signalement pourraient être précisées à l’article 30 du code de procédure pénale. Il s’agirait de celles :

  • Qui soulèvent une question de droit nouvelle, le garde des sceaux ayant pour fonction de proposer des adaptations législatives aux évolutions de la société ;
  • Qui présentent un intérêt manifeste pour la conduite de la politique pénale, qui est définie par le garde des sceaux ;
  • Qui mettent en cause le fonctionnement du service public de la justice, le garde des sceaux étant titulaire du pouvoir de diligenter une inspection en cas de dysfonctionnement ;
  • Qui présentent, en raison de leur retentissement ou du trouble qu’elles causent, une dimension nationale (accidents collectifs ou affaires de terrorisme par exemple), le ministère de la justice ayant la charge de l’aide aux victimes et participant aux conseils de défense ;
  • Qui présentent une dimension internationale, lorsque celle-ci suppose une intervention diplomatique du garde des sceaux.

La loi devrait en outre rappeler l’interdiction de la transmission de pièces de procédure, à l’exception des réquisitoires définitifs, des ordonnances de renvois, des jugements ou arrêts, ainsi que celle de l’information sur des actes d’enquête à venir, l’information de la Chancellerie ne pouvant être que rétrospective ou concomitante à un acte en cours. Conformément à la décision de la Cour de justice de la République[3], la loi devrait aussi prévoir que les informations transmises au garde des sceaux sont couvertes par le secret professionnel et que leur divulgation ne peut revêtir un intérêt légitime que si elle est justifiée par un motif d’intérêt général.

L’article 5 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature devrait aussi préciser que l’autorité du garde des sceaux sur les magistrats du parquet ne porte pas sur l’exercice de l’action publique.

Ensuite, il conviendrait que les parquets généraux indiquent systématiquement aux parquets de première instance les affaires qu’ils signalent à la Chancellerie.

Enfin, les remontées d’informations devraient faire l’objet d’une transparence statistique. Le rapport annuel de politique pénale, dont l’existence est prévue par le quatrième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, devrait présenter les chiffres en distinguant les remontées d’informations qui ont été reçues spontanément à la DACG de celles qui ont été sollicitées. Il doit être rappelé que ce rapport annuel est obligatoire et peut donner lieu à un débat au Parlement, gage d’un débat démocratique. Les statistiques ainsi rendues publiques pourraient être déclinées par ressort de cour d’appel, ce qui permettrait, d’une part, d’avoir une vision exacte du nombre d’affaires signalées aux parquets généraux et du nombre d’affaires suivies par la DACG, et d’autre part, d’apporter un éclairage sur la charge de travail représentée par cet exercice aux différents niveaux de la chaîne hiérarchique du parquet.

Afin d’éviter tout soupçon, ces évolutions indispensables doivent s’accompagner d’une évolution du statut le ministère public.

 

III. L’évolution du statut du ministère public

 

Le statut original du parquet résulte des articles 64 et 65 la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Le Conseil constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle à l’unité du corps en ces termes : « l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet »[4]. Néanmoins, les magistrats du parquet sont soumis à des règles spécifiques :  ils ne sont pas inamovibles, et sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques ainsi que sous l’autorité du garde des sceaux. Les règles de nomination et de discipline démontrent le rôle essentiel du ministère de la justice puisque le Conseil supérieur de la magistrature n’a qu’un pouvoir d’avis consultatif sur les nominations, même si la pratique des derniers ministres de la justice a été de respecter la teneur de ces avis, et en matière disciplinaire.

Le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif permettait au parquet d’exercer ses missions avec indépendance[5]. La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que le ministère public français répondait aux exigences d’indépendance requises pour émettre un mandat d’arrêt européen[6]. En revanche, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le statut du parquet ne permettait pas de considérer ce dernier comme une autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention européenne[7] .

Le manque d’indépendance des magistrats du parquet est dénoncé depuis de nombreuses années, en raison du lien hiérarchique qui les unit au pouvoir exécutif. De nombreuses réflexions[8]  ont mis en évidence qu’une telle carence portait atteinte à la démocratie et jetait de façon particulièrement dommageable le soupçon sur une institution qui doit être respectée pour que soient garanties la sécurité et la liberté des personnes.

La France a fait le choix d’un corps unique de magistrats pour exercer des fonctions différentes. Le parquetier est un magistrat, soumis aux mêmes règles déontologiques que les juges du siège, garant de la liberté individuelle et de la mise en œuvre impartiale de la loi. Il est aussi le représentant du pouvoir exécutif pour la mise en œuvre de la politique pénale. Cette chaîne hiérarchique garantit l’application homogène de la loi et d’une politique pénale cohérente sur l’ensemble du territoire national, afin d’assurer l’égalité des citoyens devant la loi.

La loi du 25 juillet 2013 précitée a consacré l’indépendance du parquet dans la conduite des affaires individuelles par la suppression de la possibilité pour le garde des sceaux d’adresser aux procureurs généraux et aux procureurs de la République des instructions dans les dossiers individuels. Cette même loi a prévu que le ministère public exerçait l’action publique et requerrait l’application de la loi « dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu »[9].

En dépit de ces avancées majeures, les différentes auditions menées par la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature ont mis en exergue un large consensus en faveur d’une réforme du statut du parquet. Mettre un terme au soupçon de manque d’indépendance du ministère public à l’égard du pouvoir exécutif passe par une modification du processus de nomination et de la procédure disciplinaire applicables à ses membres.

Le Conseil supérieur de la magistrature estime qu’un alignement complet de la procédure de recrutement et de nomination des procureurs généraux et des procureurs de la République sur celle applicable aux premiers présidents et présidents s’impose, comme le propose au demeurant le rapport[10] de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, adopté à l’unanimité le 2 septembre dernier. La réforme consistant à ne prévoir, pour les plus hautes fonctions, qu’un avis conforme ne permettrait au Conseil que de s’opposer à la proposition du pouvoir exécutif, alors qu’un pouvoir de proposition lui donnerait la responsabilité du choix et écarterait ainsi tout soupçon d’interférences de ce pouvoir. Cette réforme est d’autant plus indispensable qu’elle constitue le seul moyen, pour un ministère public soumis à l’autorité du garde des sceaux et à qui incombent les remontées d’informations, d’éviter que celles-ci, spécialement dans les affaires les plus sensibles, ne soient entachées de soupçons divers (influence sur le cours des procédures concernées, partialité dans l’analyse des faits et dans le choix des réponses pénales). Une telle réforme serait de nature à augmenter la confiance que les citoyens placent en leur Justice.

 

 

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Le Conseil, réuni en formation plénière, après en avoir délibéré, a adopté, le 15 septembre 2020, l’avis suivant :

 

  1. Il n’apparaît pas que des « pressions » aient été exercées sur les magistrats du parquet général près la cour d’appel de Paris ou du PNF par le garde des sceaux, son cabinet ou la DACG ; une attention particulière a pu être portée, à tous les échelons de la chaîne hiérarchique, à une affaire comportant un enjeu démocratique majeur, mais cette attention n’a conduit le pouvoir exécutif ni à formuler la moindre instruction à l’adresse de l’autorité judiciaire, ni même à solliciter des remontées d’informations dans une mesure dépassant substantiellement la pratique usuelle.

 

  1. Les relations qui se sont nouées entre le parquet général près la cour d’appel de Paris et le PNF, placé sous l’autorité hiérarchique du premier mais chargé de conduire l’enquête de façon indépendante, ont été marquées par des tensions et des antagonismes, fondés sur des analyses juridiques divergentes, qui ont sans doute pu être vécus par plusieurs magistrats du PNF comme vecteurs d’une « pression ». Pour autant, le terme de « pression » ne doit pas être entendu ici au sens d’« influence coercitive » mais plutôt au sens de « source de stress ». En toute hypothèse, le ressenti des protagonistes n’obère pas le constat, au demeurant partagé par l’ensemble des intervenants, que les prérogatives respectives du PNF et du parquet général près la cour d’appel de Paris ont été respectées, et que la justice a fonctionné dans cette affaire de façon indépendante et conforme aux principes régissant l’exercice du ministère public.

 

  1. Il est nécessaire que le garde de sceaux soit destinataire d’informations et de rapports sur certaines affaires individuelles, mais dans l’unique but de lui permettre d’exercer pleinement ses missions constitutionnelles et institutionnelles. Une évolution d’ordre législatif est impérative afin :
  • De définir le statut et le régime juridique des remontées d’informations, y compris les critères justifiant le signalement d’affaires ;
  • D’interdire la transmission de pièces de procédure ainsi que la remontée d’informations sur des actes d’enquêtes à venir ;
  • D’affirmer le caractère secret des informations transmises ;
  • De déterminer la liste des personnes ou institutions autorisées à recevoir ces informations.

 

  1. Il conviendrait d’aligner intégralement le statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, ce qui implique :
  • De confier à la formation du Conseil compétente à l’égard des magistrats du parquet le pouvoir de proposer la nomination des procureurs de la République, des procureurs généraux et des membres du parquet général de la Cour de cassation ;
  • De soumettre la nomination des autres magistrats du parquet à l’avis conforme de la formation du Conseil compétente à l’égard des magistrats du parquet ;
  • De transférer au Conseil supérieur de la magistrature le pouvoir de décision en matière disciplinaire pour les magistrats du parquet.

 

 

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Cet avis a été délibéré par :

  • Mme Sandrine Clavel, professeure des universités, doyenne honoraire de la faculté de droit et science politique de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, présidente honoraire de la Conférence des doyens de droit et science politique
  • M. Yves Saint-Geours, ministre plénipotentiaire hors classe, ambassadeur (e.r)
  • Mme Hélène Pauliat, professeure de droit public à la Faculté de droit et des sciences économiques de l’université de Limoges, présidente honoraire de l’université de Limoges
  • M. Georges Bergougnous, ancien directeur du service des affaires juridiques de l’Assemblée nationale
  • Mme Natalie Fricero, professeur de droit privé et sciences criminelles à l’université de Nice Sophia Antipolis
  • M. Frank Natali, avocat au barreau de l’Essonne, ancien bâtonnier et président honoraire de la Conférence des bâtonniers
  • M. Olivier Schrameck, président de section honoraire au Conseil d’Etat
  • M. Régis Vanhasbrouck, premier président de la cour d’appel de Lyon
  • M. David Charmatz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne
  • Mme Virginie Duval, vice-présidente au tribunal judiciaire de Versailles
  • M. Benoist Hurel, vice-président chargé de l’instruction au tribunal judiciaire de Paris
  • M. Jean-François Mayet, vice-procureur de la République près le tribunal judiciaire de Carpentras
  • Mme Isabelle Pouey, substitut général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence

sous la présidence de Mme Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, présidente de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.

Il a été remis au Président de la République le 15 septembre 2020, lors de sa rencontre avec les membres du Conseil supérieur de la magistrature.

                                                        

 

 

 

[1] Refonder le ministère public, novembre 2013.

[2] Dans un développement consacré au sens et à la lisibilité de la politique pénale, p. 36.

[3] Arrêt n°1-2019 du 30 septembre 2019

[4] Conseil constitutionnel n° 93-326 DC du 11 août 1993 (considérant n° 5), n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (considérant n° 61) et n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (considérant n° 26)

[5] Conseil constitutionnel, QPC, n° 2017-680 QPC du 8 décembre 2017 « Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs »

[6] CJUE, 12 déc. 2019, C-556/19 PPU et C-626/19 PPU

[7] « du fait de leur statut… les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif », aff. MOULIN c. France, 23 nov. 2010 ; aff. Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03, 29 mars 2010

[8] V. le rapport Nadal, 2013, Refonder le ministère public.

[9] art. 31 Code de procédure pénale

[10] rapport n°3296, pages 34 et 155

 

 

 

 

 

ANNEXE 1

Le cadre juridique des remontées d’informations

 

Les remontées d’informations s’inscrivent dans le cadre des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958[1] et de celles de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique ; l’article 1er de ce texte modifie l’article 30 du code de procédure pénale[2].

La circulaire du 31 janvier 2014[3] apporte des précisions : elle indique (1.1) que « La loi précise désormais que le procureur général adressera au garde des sceaux « un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et des instructions générales ainsi qu’un rapport annuel sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort ». Cette même obligation d’information, qui concerne les procédures particulières comme l’application de la politique pénale et l’activité des parquets, s’applique aux procureurs de la République à l’égard des procureurs généraux, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 39-1 du code de procédure pénale. La suppression des instructions individuelles clarifie les missions respectives de la Chancellerie, des parquets généraux et des parquets (3.1) et doit être l’occasion d’une nette diminution d’affaires signalées[4].

 

  1. Les remontées d’informations entre le parquet et le parquet général

 

Le parquet général doit être en mesure d’exercer le contrôle hiérarchique prévu par les textes, et précisé par l’article 35 du code de procédure pénale tel qu’issu de la loi du 25 juillet 2013.

L’annexe de la circulaire du 31 janvier 2014 précise les critères présidant aux signalements d’affaires des parquets au parquet général, qui peuvent être cumulatifs :

  • La gravité intrinsèque des faits
  • Le trouble manifestement grave à l’ordre public
  • La personnalité de l’auteur ou de la victime
  • Le nombre élevé de victimes (accidents collectifs)
  • Les infractions concernant des faits ciblés comme relevant d’une priorité de politique pénale ou nécessitant une action coordonnée des pouvoirs publics
  • Les infractions représentant de nouvelles formes de criminalité ou relevant d’une criminalité organisée
  • Toute difficulté juridique ou institutionnelle posant une question dépassant le cadre d’un seul ressort
  • La dimension internationale de l’affaire
  • La médiatisation possible ou effective de la procédure.

Selon la circulaire, une « attention toute particulière doit être portée aux affaires dans lesquelles l’institution judiciaire est susceptible d’être mise en cause ». Ces critères de signalement peuvent être adaptés par les procureurs généraux pour leur permettre de mettre en œuvre leurs prérogatives.

Enfin, les procureurs généraux doivent veiller « à préciser systématiquement le contexte des demandes de renseignement adressées aux parquets de leur ressort en indiquant si celles-ci sont liées à une demande la Chancellerie, à une demande du parquet général lié à l’exercice de ses prérogatives, à une requête d’un élu, d’une association ou d’un particulier ».

 

Les remontées d’informations bénéficient ainsi d’un statut et d’un régime juridique identifiés :

* elles ont pour objet de permettre au parquet général d’assurer le plein exercice de ses compétences, en particulier le contrôle hiérarchique prévu par les textes, le parquet général assumant la responsabilité de soutenir l’action publique devant la cour et disposant d’un droit d’appel nécessitant son information préalable, mais aussi de lui donner  la possibilité de mettre en œuvre les dispositions de l’article 36 du code de procédure pénale[5];

* ce sont des informations demandées par des magistrats du parquet à d’autres magistrats du parquet, ce qui les place sous le sceau du secret et de la confidentialité ; elles ont trait à la procédure menée, aux actes de procédures diligentés ;

* les demandes formulées par le parquet général aux parquets doivent indiquer le contexte de la demande et la raison de la demande. Il apparaît cependant que, bien souvent, l’indication des motifs ne figure pas dans la demande.

 

  1. Les remontées d’informations entre le parquet général et la Chancellerie

 

Selon la circulaire précitée du 31 janvier 2014, « les parquets généraux doivent informer la Chancellerie régulièrement, de manière complète et en temps utile, des procédures les plus significatives et exercer pleinement leur rôle d’analyse et de synthèse » (Annexe I B.). Selon la même annexe, « les procédures devant être signalées répondront aux critères suivants qui pourront être cumulatifs : gravité des faits (préjudice humain, financier, atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou du pacte républicain) de nature à nécessiter une action coordonnée des pouvoirs publics ou à leur donner un retentissement médiatique au niveau national, insertion dans un champ de politique pénale prioritaire, qualité de mis en cause ou des victimes, et dimension internationale de la procédure ».

L’objet de ces remontées d’informations diffère de la précédente situation ; selon la circulaire, le garde des sceaux doit « être en mesure de rendre compte de son action devant la représentation nationale, en particulier à l’occasion de la publication du rapport annuel de politique pénale ».

Le signalement de certaines affaires par le parquet général à la Chancellerie poursuit les finalités suivantes : le garde des sceaux doit disposer d’éléments d’informations concrets lui permettant de conduire la politique pénale définie par le Gouvernement, d’en assurer l’évaluation, d’éclairer les décisions relatives à l’affectation des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique pénale. De plus, le garde des sceaux, qui peut être interrogé en particulier par les questions des parlementaires, sur la conduite de la politique pénale, doit « être renseigné sur les procédures présentant une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public, ayant un retentissement médiatique national ou qui sont susceptibles de révéler une difficulté juridique ou d’application de la loi pénale ». Enfin, le garde des sceaux « doit être tenu informé des procédures susceptibles de mettre en cause l’institution judiciaire et mis en mesure de veiller au bon fonctionnement de l’institution judiciaire et de l’ensemble des services placés sous son autorité ».

  • Le statut de ces rapports sur des affaires suivies soulève une interrogation ; s’ils sont de nature à permettre le bon exercice des missions constitutionnelles et institutionnelles dévolues au garde des sceaux, se pose la question de leur caractère secret et/ou confidentiel et des exceptions éventuelles qui pourraient être prévues, de leur insertion ou non dans le dossier de procédure, de l’utilisation qui en est faite. Les Fiches d’Action Publique (FAP) établies par la DACG sont désormais considérées comme couvertes par le secret (arrêt n° 1-2019 du 30 septembre 2019 de la Cour de justice de la République[6]). Néanmoins, la DACG, composée essentiellement de magistrats de l’ordre judiciaire et dont le directeur ne devrait pas pouvoir statutairement appartenir à un autre corps, devrait être en mesure, en s’appuyant sur les textes, de ne pas répondre à une demande du cabinet dont l’objet pourrait nuire au bon déroulement des procédures ou serait contraire aux critères ainsi posés.
  • Leur régime juridique pose aussi la question des critères qui président aux remontées comme de leur contenu. La circulaire pose cependant (en annexe) le principe « de la non-transmission de pièces de procédure, exceptions faites des réquisitoires définitifs ou des ordonnances de renvoi, des jugements ainsi que des arrêts ». Les rapports particuliers, qui ont pour objet l’information du ministre de la justice par les procureurs généraux au sujet des procédures les plus significatives en cours dans le ressort de leur cour d’appel, ne revêtent pas, alors même qu’ils ont pour vocation d’être transmis au ministre de la justice, le caractère de documents administratifs[7]. Il est utile de préciser que des informations remontent à d’autres ministères et que seul le ministère de la justice a procédé à un encadrement juridique de telles remontées, s’efforçant ainsi de garantir les principes fondamentaux de l’enquête pénale.
 

[1] « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. A l’audience, leur parole est libre »

[2] Désormais ainsi rédigé : « Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. / A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales. / Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. / Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

[3] de présentation et d’application de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013.

[4] « La remontée hiérarchique de l’information, dont les critères et les modalités pratiques de mise en œuvre n’ont jamais fait l’objet par le passé d’une circulaire du garde des sceaux, doit répondre à des nécessités clairement identifiées et permettre à chaque échelon du ministère public d’assumer les missions qui lui ont été confiées par la loi ».

[5] « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes » 

[6] Révélation par le garde des sceaux « d’informations à caractère secret dont il était dépositaire en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, en transmettant à un mis en cause une fiche d’action publique établie par les services de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, rendant compte de l’état et des perspectives d’évolution d’une enquête préliminaire mettant en cause ce dernier, puis un courriel d’actualisation de cette fiche ».

[7] CE, 31 mars 2017, Garde des sceaux, Ministre de la justice, n° 408348, estimant que ces documents se rattachent à la fonction juridictionnelle.

 

 

ANNEXE 2

Liste des personnes entendues

 

Mme Eliane Houlette, ancienne procureure de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris

Mme Mireille Venet, ancienne procureure adjointe financier près le tribunal de grande instance de Paris

M. Aurélien Létocart, vice-procureur financier près le tribunal judiciaire de Paris

M. Serge Roques, avocat général près la cour d’appel de Paris, ancien premier vice-procureur financier près le tribunal de grande instance de Paris

M. Bruno Nataf, vice-procureur financier près le tribunal judiciaire de Paris

M. Vincent Filhol, chargé de mission pour les affaires civiles et pénales auprès de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ancien vice-procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris, ancien vice-procureur financier près le tribunal de grande instance de Paris

Mme Catherine Champrenault, procureure générale près la cour d’appel de Paris

M. Jacques Carrère, premier avocat général près la cour d’appel de Paris

Mme Muriel Fusina, avocate générale près la cour d’appel de Paris, cheffe du département des affaires économiques et financières

M. Marc Rouchayrole, ancien avocat général près la cour d’appel de Paris

M. Robert Gelli, directeur des services judiciaires de la Principauté de Monaco, ancien directeur des affaires criminelles et des grâces

Mme Caroline Nisand, procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Evry, ancienne cheffe de service, adjointe au directeur des affaires criminelles et des grâces et ancienne directrice des affaires criminelles et des grâces par intérim

Mme Nathalie Vergez, substitut général chargé du secrétariat général du parquet général près la cour d'appel d’Aix-en-Provence, ancienne conseillère pénale, action publique et politique pénale au cabinet du garde des Sceaux

M. Thomas Andrieu, Conseiller d’Etat, ancien directeur du cabinet du garde des Sceaux

M. Eric Ruelle, inspecteur général de la justice, ancien directeur adjoint du cabinet du garde des Sceaux et ancien directeur du cabinet du garde des Sceaux