Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
02/04/1999
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Avis
Déplacement d'office
Décision Garde des sceaux
Conforme (18 mai 1999) - Sanction amnistiée
Mots-clés
Chef de juridiction
Fraude fiscale
Probité
Dignité
Institution judiciaire (confiance)
Déplacement d'office
Procureur de la République
Fonction
Procureur de la République
Résumé
Absence de déclaration des revenus durant trois ans et non acquittement de la taxe d’habitation

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;

Vu l’arrêté du 23 décembre 1998 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, portant interdiction pour Mme X d’exercer les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de V ;

Vu la dépêche du 8 février 1999 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre Mme X ;

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;

Considérant que l’affaire a été mise en délibéré à l’issue de débats qui, sur décision prise d’office, avec l’accord des parties, se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le jeudi 1er avril 1999 et au cours desquels :

- Mme X a comparu, assistée de Me Jean-Michel Braunschweig, avocat au barreau de Paris ;

- le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;

- Mme X a été interrogée sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes, Me Braunschweig a été entendu en sa plaidoirie et Mme X a eu la parole la dernière, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

Considérant qu’il ressort des documents figurant au dossier et des déclarations faites par Mme X que ce magistrat a omis de déclarer ses revenus pour les années 1994, 1995 et 1996, à l’administration fiscale et d’acquitter la taxe d’habitation qui lui était réclamée, ne répondant à aucun avis ou lettre de relance ;

Considérant que Mme X ne peut donner une explication crédible à cette abstention persistante à se soumettre à ses obligations fiscales, se bornant à reconnaître qu’elle se sentait incapable d’affronter la réalité bien qu’elle eût totalement conscience de la gravité des faits et qu’elle disposât, à son compte en banque, de la somme nécessaire au paiement intégral de ses impôts ;

Considérant que l’attitude de ce magistrat révèle une absence de rigueur caractérisant un grave manquement aux devoirs de son état et portant atteinte à la crédibilité et à l’autorité, d’une part, de la fonction de procureur de la République, notamment dans la direction de l’action publique en son ressort, d’autre part, et au-delà, de l’institution judiciaire ;

Considérant qu’il doit toutefois être tenu compte, pour l’appréciation de la sanction disciplinaire consécutive à ces manquements, de l’apurement intégral de sa dette fiscale dont justifie Mme X ainsi que de ses bons états de service antérieurs ;

Par ces motifs,

Émet l’avis qu’il y a lieu de prononcer contre Mme X la sanction de retrait des fonctions de procureur de la République assortie du déplacement d’office prévue aux articles 45 et 46 du statut de la magistrature ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à Mme X par les soins du secrétaire soussigné.