Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
10/04/1997
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir d'impartialité, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Gérant de tutelles
Tutelles
Vie privée (relations intimes)
Emoluments
Avantage
Presse
Retentissement médiatique
Impartialité
Probité
Abus des fonctions
Institution judiciaire (confiance)
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Juge d'instance
Fonction
Juge d'instance
Résumé
Attribution préférentielle de gérances de tutelles par un juge d’instance à son concubin et octroi d’émoluments et d’avantages abusifs
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Truche, premier président de la Cour de cassation ;

Vu l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifié par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 2 avril 1997, proposant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline, d’interdire temporairement à Mme X, juge au tribunal de grande instance de V, chargé du service du tribunal d’instance, l’exercice de ses fonctions ;

Vu les avis du premier président de la cour d’appel de W, et du président du tribunal de grande instance de V ;

Après avoir entendu :
- M. Philippe Ingall-Montagnier, directeur des services judiciaires au ministère de la justice, assisté de M. Yannick Pressensé, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;
- Mme X, qui a reçu copie de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature le 4 avril 1997, et son conseil, M. Jean-Louis Voirain, premier substitut au tribunal de grande instance de Bobigny, qui a reçu copie des pièces relatives à la poursuite disciplinaire le 9 avril 1997, et a pu consulter l’entier dossier, à la Cour de cassation, le 9 avril 1997, Mme X ayant eu la parole la dernière ;

Attendu qu’il résulte des premiers éléments d’une enquête diligentée par l’inspection des services judiciaires que Mme X, juge d’instance à V, aurait pu favoriser l’activité de gérant de tutelles de M. Y, avec lequel elle entretenait des relations intimes depuis 1991 ou 1992, et cela par le choix et le nombre des dossiers qu’elle lui confiait, la garantie d’une activité constante qu’elle promettait et les rémunérations exceptionnelles comme les avances sur émoluments qu’elle consentait ;

Attendu que, M. Y ayant été mis en examen le 21 janvier 1997 des chefs d’abus de confiance qualifiés et de faux, délits qui auraient été commis dans l’exercice de ses fonctions, et la nature de ses relations avec Mme X étant connue, des interrogations sur le rôle de la justice dans cette affaire ont été formulées, y compris dans la presse ;

Attendu que la suspicion sur l’impartialité de Mme X est d’autant plus ressentie par les cinq autres magistrats et les fonctionnaires de cette petite juridiction que le juge d’instance est toujours apparu comme protégeant M. Y ;

Attendu que le premier président de la cour d’appel de W et le président du tribunal de grande instance de V ont émis l’avis qu’il soit interdit à Mme X d’exercer ses fonctions ;

Attendu que l’urgence de cette mesure exceptionnelle prise dans l’intérêt du service s’impose d’autant plus que des contrôles doivent impérativement être effectués sur les comptes des dossiers confiés à M. Y ; qu’il est hors de question que Mme X, seule juge d’instance, puisse continuer à user des pouvoirs qu’elle tient de l’article 500 du code civil ;

Par ces motifs,

Interdit temporairement à Mme X l’exercice de ses fonctions,

Dit que cette interdiction cessera de plein droit de produire ses effets si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le garde des sceaux n’a pas saisi le Conseil supérieur de la magistrature dans les conditions prévues à l’article 50-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature,

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de W.