Conseil d’État, section du contentieux, 6ème sous-section, requêtes n°37517 et 375176

Date
30/07/2014
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des collègues, Manquement au devoir de loyauté à l’égard des supérieurs hiérarchiques, Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Décision
Non-admission du pourvoi
Mots-clés
École nationale de la magistrature
Probité
Loyauté
auditeur de Justice
Poursuites disciplinaires (droits de la défense)
Poursuites disciplinaires (motivation de la décision)
Poursuites disciplinaires (qualification des faits)
Poursuites disciplinaires (pièces écartées)
Poursuites disciplinaires (sursis à statuer)
Poursuites disciplinaires (impartialité)
Poursuites disciplinaires (composition de la formation de jugement)
Non-admission du pourvoi
Fonction
Coordonnateur de formation à l'école nationale de la magistrature
Résumé
Requête en annulation de la décision du CSM aux motifs allégués d’une violation du principe d'impartialité objective des juridictions, tenant à l'intervention du premier président de la Cour de cassation, par ailleurs président du conseil d’administration de l'ENM, du non-respect du principe des droits de la défense et de l’article 6-1 de la CEDH, d’une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs, d’une qualification inexacte et d’une dénaturation des faits ; requête à fin de sursis à exécution de la décision du CSM attaquée.
Décision(s) associée(s)

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Séance du 18 juillet 2014
Lecture du 30 juillet 2014

Vu 1°, sous le n° 375175, le pourvoi, enregistré le 4 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. X, demeurant xxxxx ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction du blâme, avec inscription de celle-ci au dossier ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que le Conseil supérieur de la magistrature
- a méconnu les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe d'impartialité objective de la juridiction et a commis une erreur de droit dans l'application des articles 10-1 et 10-2 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, en jugeant que l'intervention du premier président de la Cour de cassation, également président du conseil d'administration de l'École nationale de la magistrature (ENM), dans la phase préparatoire de la procédure disciplinaire, en particulier par la désignation du rapporteur de l'affaire, était sans incidence sur sa régularité ;
- a méconnu le principe des droits de la défense en se fondant, pour statuer sur la demande de récusation du premier président de la Cour de cassation, sur un courriel adressé par le directeur de l'ENM au secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature, à la suite d'une demande de ce dernier excédant sa compétence ;

a insuffisamment motivé sa décision en retenant des faits de manquement au devoir de probité et à l'obligation de loyauté à l'égard de l'ENM qui sont l'objet des poursuites disciplinaires;
- a dénaturé les faits de la cause en relevant que son initiative avait entraîné l'annulation de l'épreuve de droit civil de l'examen de fin d'étude des auditeurs de justice de la promotion 2011 ;
- a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit en constatant la nullité de son audition, le 13 mars 2012 par le directeur de l'ENM, dans le cadre de la procédure disciplinaire, tout en rejetant les conclusions aux fins d'annulation des pièces de procédure subséquentes, notamment le rapport du directeur de l'ENM adressé à la direction des services judiciaires et l'acte de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par la chancellerie ;
- a inexactement qualifié les faits de l'espèce en lui infligeant la sanction du blâme avec inscription au dossier ;
Vu, 2° sous le n° 375176, la requête, enregistrée le 4 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X, demeurant xxxxxx ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre un blâme avec inscription au dossier ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- l'exécution de la décision du Conseil supérieur de la magistrature entraînerait des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'elle a pour effet de compromettre ses chances d'être nommé, pour le dernier poste de sa carrière, président du tribunal de grande instance de xxxxxx ;
- dans le prolongement des moyens exposés dans le pourvoi n° 375175, il existe plusieurs moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation de la décision du conseil supérieur de la magistrature, l'infirmation de la solution retenue par celui-ci et tirés du défaut d'impartialité objective du Conseil supérieur de la magistrature, compte tenu de ce que le premier président de la Cour de cassation est également président du conseil d'administration de l'Ecole nationale de la magistrature, de la violation des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes, pour s'être fondé sur une pièce irrégulièrement obtenue, du défaut de motivation de la décision attaquée, de la dénaturation des faits de la cause, de l'erreur de droit et de la contradiction de motifs, pour n'avoir pas tiré les conséquences de la constatation de l'annulation de son audition sur les pièces subséquentes et de l'erreur de qualification juridique, les faits en cause n'étant pas susceptibles de justifier la sanction du blâme avec inscription de celle-ci au dossier ;

Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2014, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision attaquée n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens soulevés ne sont pas de nature à justifier son annulation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 mai 2014, présenté pour M. X, qui reprend les conclusions de son pourvoi et les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire en réplique, enregistré le 5 juin 2014, présenté pour M. X, qui reprend les conclusions de son pourvoi et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance portant loi organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 ;
Vu le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;
Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 ;
Vu le décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Le Carre, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur publie ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. X ;
1. Considérant que le pourvoi n° 375175 et la requête n° 375176 sont dirigés contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative « Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux » ;

3. Considérant que, pour demander l'annulation de la décision qu'il attaque, M. X soutient que le Conseil supérieur de la magistrature a méconnu les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe d'impartialité objective de la juridiction, et a commis une erreur de droit dans l'application des articles 10-1 et 10-2 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, en jugeant que l'intervention du premier président de la Cour de cassation, également président du conseil d'administration de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), dans la phase préparatoire de la procédure disciplinaire, en particulier par la désignation du rapporteur de l'affaire, était sans incidence sur sa régularité ; qu'il a méconnu les droits de la défense en se fondant, pour statuer sur la demande de récusation du premier président de la Cour de cassation, sur un courriel adressé par le directeur de l'ENM au secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature, à la suite d'une demande de ce dernier excédant sa compétence ; qu'il a insuffisamment motivé sa décision en retenant des faits de manquement au devoir de probité et à l'obligation de loyauté à l'égard de l'ENM qui sont l'objet des poursuites disciplinaires ; qu'il a dénaturé les faits de la cause en relevant que son initiative avait entraîné l'annulation de l'épreuve de droit civil de l'examen de fin d'étude des auditeurs de justice de la promotion 2011 ; qu'il a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit en constatant la nullité de son audition, le 13 mars 2012, par le directeur de l'ENM, dans le cadre de la procédure disciplinaire, tout en rejetant les conclusions aux fins d'annulation des pièces de procédure subséquentes, notamment le rapport du directeur de l'ENM adressé à la direction des services judiciaires et l'acte de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par la chancellerie ; qu'il a inexactement qualifié les faits de l'espèce en lui infligeant la sanction du blâme avec inscription au dossier ;
4. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur la requête n° 375176 à fin de sursis à exécution de la décision attaquée :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative « La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature &justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. » ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par M. X contre la décision du 5 décembre 2013 du Conseil supérieur de la magistrature n'est pas admis ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis de cette décision qu'il présente sont devenues sans objet ;

DÉCIDE:
Article ler : Le pourvoi n° 375175 de M. X n'est pas admis.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 375176 de M. X.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X.
Copie en sera adressée pour information à la garde des sceaux, ministre de la justice.