Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
13/07/2017
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (devoir de connaître le droit), Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi)
Décision
Non-lieu à sanction disciplinaire
Mots-clés
Devoir de rigueur
devoir de légalité
connaissance insuffisante du droit
Fonction
Vice-président
Résumé
Le magistrat mis en cause a manqué à son devoir de rigueur et de légalité, en raison de sa connaissance insuffisante des règles de procédure pénale l’ayant conduite à prendre le risque de commettre une erreur sur une question fondamentale et constitutionnelle de libertés individuelles, en confirmant au représentant du ministère public, après la clôture d’une audience correctionnelle qu’elle avait présidée, qu’un maintien en détention avait été prononcé à l’encontre de la personne condamnée alors même que cette décision n’avait pas été prise, contribuant ainsi à maintenir indûment en détention cette personne qui, informée par son avocat de sa libération dans la journée, n’a pas supporté cette déception et s’est donné la mort. Les faits présentant un caractère isolé dans le parcours d’un magistrat qui ne disposait alors que d’une faible expérience, pour n’avoir été nommée dans ses fonctions, à la suite d’une intégration dans le corps judiciaire, que trois mois auparavant, le prononcé d’une sanction n’apparaît pas justifié.

CONSEIL SUPÉRIEUR

DE LA MAGISTRATURE

 

  Conseil de discipline des magistrats du siège

___

 

Le 13 juillet 2017

___

 

Mme X

 

 

DÉCISION

 

Le Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège,

Sous la présidence de M. Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, président de la formation,

 

En présence de :

M. Jean Danet,

Mme Soraya Amrani-Mekki,

Mme Dominique Pouyaud,

Mme Evelyne Serverin,

M. Guillaume Tusseau,

Mme Paule Aboudaram,

M. Yves Robineau,

M. Alain Lacabarats,

Mme Chantal Bussière,

M. Christophe Regnard,

Mme Virginie Valton,

M. Richard Samas-Santafé,

 

Membres du Conseil,

 

Assistés de M. Daniel Barlow, secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature ;

 

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 58 ;

Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature, notamment son article 19 ;

Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature, notamment ses articles 40 à 44 ;

 

Vu la dépêche du garde des Sceaux, ministre de la justice du 3 août 2016 dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires engagées contre Mme X, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Vu l’ordonnance du 30 août 2016 désignant Mme Soraya Amrani-Mekki en qualité de rapporteur ;

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de Mme X, mis préalablement à sa disposition, ainsi qu’à celle de ses conseils ;

Vu l’ensemble des pièces jointes au dossier au cours de la procédure ;

Vu le rapport déposé par Mme Amrani-Mekki le 1er mars 2017, dont Mme X a reçu copie ;

Vu la convocation adressée à Mme X le 26 avril 2017 et sa notification du 3 mai 2017 ;

Vu les convocations adressées à M. A, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et à Mme B, présidente de chambre à la cour d’appel de  xxxxx, le 26 avril 2017 ;

 

*

 

Le président de la formation ayant rappelé les termes de l’article 57 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : « L’audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l’ordre public ou de la vie privée l’exigent, ou s’il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l’accès de la salle d’audience peut être interdit au public pendant la totalité ou une partie de l’audience, au besoin d’office, par le conseil de discipline » ;

Mme X, comparante, n’ayant formulé aucune demande en ce sens ;

Le rapporteur ayant présenté son rapport, préalablement communiqué aux parties ;

 

Après avoir entendu :

- M. Ludovic André, sous-directeur des ressources humaines de la magistrature, assisté de Mme Perrine Vermont, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice, en ses observations tendant au prononcé d’un blâme en application du 1° de l’article 45 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée ;

- Mme X en ses explications et moyens de défense ;

  • Me A en sa plaidoirie ;
  • Mme B en ses observations ;

 

Mme X ayant eu la parole en dernier ;

L’affaire ayant été mise en délibéré, avis ayant été donné que la décision serait rendue le 13 juillet 2017, à 14 heures 30, par mise à disposition au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;

 

*

Attendu qu’aux termes du premier alinéa de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité constitue une faute disciplinaire ;

Attendu qu’il est, en l’espèce, reproché à Mme X d’avoir manqué aux devoirs de son état de magistrat et notamment à ses devoirs de rigueur et de légalité, du fait de sa connaissance insuffisante des règles de procédure pénale l’ayant conduite à prendre le risque de commettre une erreur sur une question fondamentale et constitutionnelle de libertés individuelles, en confirmant au représentant du ministère public, après la clôture d’une audience correctionnelle qu’elle avait présidée, qu’un maintien en détention avait été prononcé à l’encontre de la personne condamnée alors même que cette décision n’avait pas été prise, contribuant ainsi à maintenir indûment en détention cette personne qui, informée par son avocat de sa libération dans la journée, n’a pas supporté cette déception et s’est donné la mort ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées au dossier et des débats qu’appelée à statuer dans une affaire mettant en cause M. C, la formation correctionnelle présidée par Mme X a condamné celui-ci à une peine de vingt-quatre mois d’emprisonnement dont six avec sursis et mise à l’épreuve pendant une durée de trois ans, sans prononcer son maintien en détention ; qu’après le retour du condamné à la maison d’arrêt, l’agent pénitentiaire chargé du greffe de la maison d’arrêt s’est rendu au tribunal de grande instance pour s’enquérir de l’absence d’une telle mesure auprès du substitut ayant participé à l’audience ;

Que, lors de cet entretien, auquel Mme X assistait, celle-ci reconnaît avoir évoqué l’intention de la formation de jugement de voir M. C maintenu en détention ;

Qu’en prenant ainsi part à la discussion suscitée par l’agent pénitentiaire, sans répondre de façon claire et univoque, en s’en tenant à la décision rendue, Mme X a permis que la fiche de liaison assurant la transmission à l’établissement pénitentiaire de l’information sur la teneur du jugement soit modifiée ;

Qu’elle a, ce faisant, manqué à son devoir de rigueur et de légalité ;

Mais attendu que les faits ainsi qualifiés présentent un caractère isolé dans le parcours d’un magistrat qui ne disposait alors que d’une faible expérience, pour n’avoir été nommée dans ses fonctions, à la suite d’une intégration dans le corps judiciaire, que trois mois auparavant ;

Que, dans ces conditions, le prononcé d’une sanction n’apparaît pas justifié ;

 

PAR CES MOTIFS,

 

Le Conseil, après en avoir délibéré à huis-clos, hors la présence de Mme Soraya Amrani-Mekki, rapporteur,

Statuant en audience publique le 28 juin 2017 pour les débats et le 13 juillet 2017 par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;

Dit que, nonobstant l’existence d’une faute disciplinaire, il n’y a pas lieu à sanction à l’encontre de Mme X ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de  xxxxx.