Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
20/09/2012
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des collègues, Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des auxiliaires de justice, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire)
Décision
Blâme avec inscription au dossier
Mots-clés
Abus des fonctions
Assesseur
Audience
Auxiliaire de justice
Blâme avec inscription au dossier
Collègue
Collégialité
Délicatesse
Détention provisoire
Greffe
Image de la justice
Justiciable
Loyauté
Tribunal correctionnel
Vice-président de tribunal de grande instance
Fonction
Vice-président de tribunal de grande instance
Résumé
Le fait, pour le président d’une formation correctionnelle de ne pas se soumettre à la décision collégiale est constitutif d’un abus de fonctions et d’un manquement, non seulement au respect d'une des règles essentielles qui s'imposent au magistrat présidant une formation collégiale, mais encore aux devoirs de loyauté et de délicatesse envers les juges assesseurs ;

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme Conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par M. le premier président de la cour d'appel de xxxxx, contre Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de xxxxx, sous la présidence de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, président de la formation, (…)

Vu les articles 43 à 58 modifiés de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n°2010-830 du 22 juillet 2010 ;

Vu l'article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, modifié par le décret n°2010-1637 du 23 décembre 2010 ;

Vu l'article 50-2 de l'ordonnance précitée ;

Vu l'acte de saisine du premier président de la cour d'appel de xxxxx, en date 10 novembre 2011, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l'encontre de Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de xxxxx, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Vu l'ordonnance du 13 décembre 2011 désignant M. Frédéric Tiberghien et M. Jean Trotel en qualité de rapporteurs ;

Vu l'article 57 de l'ordonnance précitée n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifié par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 ;

Vu le rapport de M. Frédéric Tiberghien et de M. Jean Trotel du 12 juillet 2012, dont Mme X a reçu copie ;

Vu le rappel, par M. le Premier président, des termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : «  L'audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline »et l'absence de demande spécifique formulée en ce sens par Mme X ;

Qu'après avoir entendu M. Frédéric Tiberghien et M. Jean Trotel en leur rapport, préalablement communiqué aux parties, lesquelles, confirmant en avoir reçu copie, ont dans ces conditions acquiescé à ce qu'il ne soit pas intégralement lu, Mme X, assistée de Mme A et de M. B, avocats au barreau de xxxxx, en ses explications et moyens de défense, Mme Véronique Malbec, directrice des services judiciaires assistée de Mme Hélène Volant, magistrate à cette direction, en ses observations tendant au prononcé d'une mesure de déplacement d'office ou de blâme avec inscription au dossier, Maître A et Maître B en leur plaidoirie, Mme X ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;

Attendu que, dans sa saisine du 10 novembre 2011, le premier président de la cour d'appel de xxxxx reproche à Mme X, vice-présidente au tribunal de grande instance de xxxxx, d'avoir, lors de l'audience du 2 novembre 2011 de la 23ème Chambre 2ème section qu'elle présidait, refus(é) de se soumettre à la décision collégiale de maintenir en détention M. X, prévenu de vols aggravés et tentatives de vol aggravé, pendant le temps nécessaire à la vérification de son âge et de son identité » et « prononcé publiquement, après de longs atermoiements qui ont anormalement retardé l’issue de l'audience, un jugement le remettant en liberté »;

Attendu qu'aux termes de l'article 398 du code de procédure pénale, « le tribunal correctionnel est composé d'un président et de deux juges » ;

Attendu que la décision d'une juridiction collégiale est rendue à la majorité des voix ;

Attendu que Mme X a reconnu, tant devant les rapporteurs que devant le Conseil, avoir été confrontée à un cas de conscience relatif à la liberté d'un prévenu, des appréciations divergentes des éléments du dossier ayant été portées au sein de la collégialité ;

Attendu que, si elle s'est ouverte de cette difficulté auprès de la présidence du tribunal de grande instance, elle n'a toutefois pas suivi la recommandation de celle-ci ; qu'en début de soirée, avant de lever l'audience qui avait été interrompue plusieurs heures, elle n'a pas rendu la décision sous le contrôle de chacun des juges qui se sont prononcés ;

Qu'en abusant ainsi de ses fonctions, en présence des justiciables, des auxiliaires de justice et du représentant du ministère public, Mme X a manqué, non seulement au respect d'une des règles essentielles qui s'imposent au magistrat présidant une formation collégiale, mais encore aux devoirs de loyauté et de délicatesse envers les juges assesseurs ;

Qu'en outre, le greffier ayant dû relater les conditions particulières du prononcé de la décision sur une page des notes d'audience que Mme X n'a pas signée au motif qu'elle avait alors déjà levé l'audience, elle a failli aux mêmes devoirs à l'égard de ce fonctionnaire ;

Qu'enfin, en ne sachant permettre une reprise des débats qu'après une suspension anormalement longue, elle a contribué à donner une image dégradée de la justice ;

Attendu que ces manquements sont constitutifs d'une faute disciplinaire ; qu'en considération du contexte de l'affaire, de l'ancienneté dans la magistrature de Mme X et des appréciations élogieuses constamment portées sur ses qualités professionnelles, ils seront sanctionnés par un blâme avec inscription au dossier ;

PAR CES MOTIFS

Le Conseil, après en avoir délibéré à huis clos, et hors la présence de M. Frédéric Tiberghien et de M. Jean Trotel, rapporteurs ;

Statuant en audience publique, le 6 septembre 2012 pour les débats et le 20 septembre 2012, par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;

Prononce à l'encontre de Mme X, la sanction de blâme avec inscription au dossier, en application de l'article 45, 1° de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d'appel de xxxxx.