Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
19/01/2001
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi), Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire)
Avis
Déplacement d'office
Décision Garde des sceaux
Conforme (6 février 2001) - Sanction amnistiée
Mots-clés
Avocat
Compagne
Preuve
Détournement
Procédure pénale
Vie privée (proches)
Légalité
Probité
Institution judiciaire (loyauté)
Déplacement d'office
Substitut général
Fonction
Substitut général
Résumé
Soustraction par un magistrat d’un élément de preuve utile à la manifestation de la vérité dans une procédure pénale mettant en cause sa compagne, une avocate radiée du barreau
Décision(s) associée(s)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu l’arrêté du 11 avril 2000 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, portant interdiction pour M. X, d’exercer les fonctions de substitut du procureur général près la cour d’appel de V ;

Vu la dépêche du 9 mai 2000 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X ;

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;

Considérant que l’affaire a été mise en délibéré à l’issue de débats qui se sont déroulés à huis clos dans les locaux de la Cour de cassation le vendredi 19 janvier 2001 et au cours desquels :

- M. X a comparu, assisté de Me Gérard Welzer, avocat au barreau d’Epinal ;

- après audition de M. le directeur des services judiciaires, le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;

- M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes ;

- Me Welzer a été entendu en sa plaidoirie et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

Considérant que M. X ne conteste pas avoir retiré, le 7 mars 2000, du domicile qu’il partage avec sa compagne, avocate au barreau de V, radiée de l’ordre et actuellement poursuivie pénalement, un document que les autorités judiciaires ont recherché en vain, lors d’une perquisition effectuée le 9 mars suivant ;

Considérant que la soustraction de cette pièce qui pouvait constituer la preuve d’une grave faute commise par cette avocate a été retenue, sur avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, comme fondement de la décision d’interdiction temporaire d’exercer ses fonctions prise par le garde des sceaux, ministre de la justice, à l’encontre de M. X ;

Considérant, toutefois, que l’information judiciaire ouverte au tribunal de grande instance de W à l’égard de M. X, en raison de présomption de soustraction d’objets de nature à faciliter la découverte de délits, la recherche de preuves ou la condamnation de coupables, a été clôturée par une ordonnance de non-lieu du 13 octobre 2000, qui n’a fait l’objet d’aucun recours ;

Considérant qu’a l’appui de sa décision, le magistrat instructeur a retenu que son information avait permis d’établir que M. X n’avait pas eu l’intention de soustraire un moyen de preuve à la justice et que la seule lecture du document litigieux pouvait légitimement autoriser l’intéressé à croire qu’il s’agissait d’un élément de preuve à décharge utile à la défense de sa compagne ;

Considérant cependant que les magistrats restent astreints, même en dehors de leur service, à une obligation de prudence qui s’étend à tous les actes susceptibles d’être mis en relation avec leur activité professionnelle ;

Considérant qu’en retirant du domicile qu’il partageait avec sa compagne une pièce importante, se rattachant aux faits pour lesquels celle-ci était poursuivie et en confiant ce document à une tierce personne avant de le remettre finalement au juge d’instruction saisi du dossier, M. X a fait preuve d’imprudence et d’une légèreté caractérisée ; qu’il n’a pas mesuré ou compris les exigences de sa profession et les a sacrifiées à des intérêts étrangers, que ce comportement a constitué un manquement aux devoirs de sa fonction de magistrat du parquet ;

Considérant que la sanction consécutive à ces agissements doit être prise compte tenu des bonnes appréciations professionnelles dont M. X est l’objet ;

Par ces motifs,

Émet l’avis qu’il y a lieu de prononcer contre M. X la sanction du déplacement d’office prévue à l’article 45, 2°, du statut de la magistrature ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné.