Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
24/04/1997
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des supérieurs hiérarchiques, Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions)
Avis
Retrait des fonctions de procureur de la République
Déplacement d'office
Décision Garde des sceaux
Conforme (cf. décret de nomination du 1er septembre 1997) - Sanction amnistiée
Mots-clés
Chef de juridiction
Retard
Scellés
Argent
Vie privée
Délicatesse
Supérieur hiérarchique
Etat de magistrat
Fonctions
Retrait des fonctions
Déplacement d'office
Fonction
Procureur de la République
Résumé
Retards accumulés dans le traitement des dossiers. Défaut d’information de la hiérarchie relativement à la disparition de sommes d’argent placées sous scellés. Liaison intime entraînant des conséquences sur le bon fonctionnement administratif de la juridiction

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu l’article 65 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ;

Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;

Vu la dépêche en date du 26 novembre 1996 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, saisissant cette formation pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, l’entier dossier ayant été mis à la disposition de M. X ;

Vu le dossier administratif de M. X, également mis préalablement à sa disposition ;

Vu les débats qui, sur décision prise d’office, se sont déroulés publiquement à la Cour de cassation le jeudi 24 avril 1997 au cours desquels :

- M. X a comparu ;

- le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture de son rapport qui avait été antérieurement communiqué à tous ;

- M. X a été interrogé sur chacun des faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

Considérant que, par dépêche du 26 novembre 1996, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi la formation du Conseil supérieur de la magistrature, compétente en matière de discipline des magistrats du parquet, de faits imputés à M. X, procureur de la République près le tribunal de grande instance de V ;

Considérant qu’il est fait grief à M. X, d’une part, de retards dans le traitement de dossiers pénaux et du parquet général, d’autre part, d’un manque d’information immédiate du parquet général de W et du président du tribunal de grande instance de V à la suite de la disparition de scellés et, enfin, d’une vie privée incompatible avec l’exercice de sa fonction de chef de juridiction ;

Considérant, en premier lieu, que M. X reconnaît avoir, postérieurement au 18 mai 1995, laissé en souffrance, malgré divers rappels et mises en garde, des dossiers communiqués par les juges d’instruction, des jugements frappés d’appel et des dépêches du parquet général ; que ces retards ont perturbé le cours et l’administration de la justice, entraînant la réclamation d’un avocat, le retour de dossiers non réglés aux magistrats instructeurs et la prescription de l’action publique dans deux affaires ;

Considérant que de tels retards, même si M. X, comme il le soutient, n’a pas reçu de ses substituts le concours qu’il aurait pu en attendre alors que les charges du parquet s’étaient fortement alourdies, ne sauraient être admis de la part d’un chef de juridiction auquel incombe, sous le contrôle de sa hiérarchie, d’assurer, en toute circonstance et en dégageant les priorités nécessaires, le fonctionnement régulier du service public de la justice ;

Considérant, en deuxième lieu, que courant 1996, M. X a omis, à diverses reprises, d’informer immédiatement le président de son tribunal et les chefs de la cour d’appel, de la disparition d’importantes sommes d’argent placées sous scellés au greffe du tribunal ;

Considérant, en dernier lieu, que M. X ne conteste pas entretenir une liaison avec la responsable du greffe du tribunal ; que s’il est exact qu’une telle relation ne constitue pas, en soi, une faute disciplinaire, il en est toutefois autrement quand elle a des conséquences, sur le bon fonctionnement administratif de la juridiction ; qu’en l’espèce la notation attribuée par M. X à ce fonctionnaire, en raison même des relations existant entre eux, était, en toute hypothèse, sujette à la suspicion ;

Considérant, en définitive, qu’il doit être retenu que M. X, par ses négligences professionnelles répétées dans ses fonctions de chef de juridiction, par son défaut de collaboration avec la hiérarchie judiciaire de son tribunal et de la cour d’appel, ainsi que par les aspects de sa vie privée affectant l’administration de son tribunal, a manqué aux devoirs de son état et à la délicatesse ;

Par ces motifs,

Émet l’avis que M. X fasse l’objet de la sanction disciplinaire du retrait de la fonction de procureur de la République assorti du déplacement d’office, prévue par les articles 45, 3°, et 46 du statut de la magistrature ;

Dit que le présent avis sera transmis à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.