Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
30/01/2004
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (obligation de diligence), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Refus de l'honorariat
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (renvoi devant le CSM par le CE)
Honorariat
Négligence
Organisation du service
Délai raisonnable
Retard
Image de la justice
Légalité
Diligence
Etat de magistrat
Fonctions
Probité
Honneur
Institution judiciaire (confiance)
Honorariat (refus)
Juge d'instruction
Fonction
juge d'instruction
Résumé
Négligences répétées et délibérées dans la gestion des dossiers d’instruction et l’enregistrement des procédures, ayant entraîné l’impossibilité de déterminer l’état d’avancement des affaires et provoqué une durée anormale dans le règlement de la plupart des procédures, pour la plupart peu complexes
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées contre Mme X, sous la présidence de M. Roger Beauvois, président de chambre à la Cour de cassation, maintenu en activité en qualité de conseiller, suppléant le premier président de la Cour de cassation ;

Vu les articles 43 à 58 et 77 modifiés de l’ordonnance n° 59-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu l’article 11 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu l’arrêt du Conseil d’État, en date du 29 juillet 2002, annulant la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 12 juillet 2000 et renvoyant l’affaire devant ledit Conseil ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 11 septembre 2002, demandant, l’inscription à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la magistrature de cette affaire ;

Sur le rapport établi par M. Jean Marmot, dont Mme X a reçu copie, et dont il a été donné lecture à l’audience ;

Après avoir entendu M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires au ministère de la justice, et Mme X, assistée de Me Thomas Haas, ayant fourni ses explications et moyens de défense sur les faits reprochés ;

Me Thomas Haas ayant présenté ses observations orales ;

Mme X ayant eu la parole en dernier ;

Attendu que l’audition de M. Pierre Drai, premier président honoraire de la Cour de cassation, proposée par Mme X, n’apparaît pas nécessaire à l’appréciation des faits et de la personnalité de celle-ci ; qu’au demeurant les agissements ayant entraîné la procédure disciplinaire sont postérieurs à 1988 et qu’à partir de cette date, Mme X, dont le comportement auparavant n’avait pas appelé de critique, n’exerçait plus dans une juridiction présidée par M. Drai ;

Attendu qu’à la suite de rapports des responsables des juridictions dont relevait Mme X en 1998, informant le garde des sceaux de graves négligences reprochées à ce magistrat dans la conduite des affaires dont elle était saisie, notamment à partir de 1992, l’inspection générale des services judiciaires a été chargée d’une mission d’enquête ;

Attendu que le rapport établi à cette occasion fait apparaître de nombreuses erreurs dans l’enregistrement des procédures et la gestion des dossiers, entraînant l’impossibilité de déterminer avec certitude le nombre et l’état d’avancement des affaires en cours ; que l’inspection générale a également constaté des délais excessifs et injustifiés, de manière répétée, tant entre la date de saisine du juge et celle du premier acte d’instruction qu’entre les actes suivants, au demeurant très peu nombreux ; que ces délais, parfois proches de trois années, ont provoqué une durée anormale et inadmissible dans le règlement de la plupart des procédures, pourtant peu complexes pour le plus grand nombre d’entre elles ;

Attendu que les explications données par Mme X, tenant notamment à l’exercice d’autres fonctions, qu’elle avait d’ailleurs sollicitées, ou à la nature des affaires qui lui étaient attribuées, traduisent une grave méconnaissance des obligations qui pèsent sur un juge d’instruction et ne sauraient justifier les négligences constatées ;

Attendu que Mme X ne pouvait ignorer les carences dont elle était responsable alors que le dossier révèle qu’il en était fait état dans son évaluation et que de multiples mises en garde lui avaient été adressées par sa hiérarchie ; qu’en raison de sa persistance et de son caractère délibéré, le comportement professionnel blâmable de Mme X porte atteinte au crédit de la justice et caractérise un manquement à l’honneur du magistrat ;

Que de tels faits excluent le bénéfice de l’amnistie et doivent entraîner à l’encontre de Mme X qui a atteint l’âge de la retraite, le refus de l’honorariat ;

Par ces motifs,

Statuant en audience publique le 21 janvier 2004, pour les débats, et le 30 janvier 2004, date à laquelle la décision a été rendue ;

Dit que l’honorariat doit être refusé à Mme X.