Conseil d’État, section du contentieux, requêtes n° 178477 et 179170

Date
24/10/1997
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Décision
Rejet
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (exécution de la sanction)
Amnistie
Probité
Honneur
Rejet
Juge
Fonction
Juge au tribunal de grande instance
Résumé
Demande d’annulation, d’une part, d’une décision du CSM ayant dit n’y avoir lieu à application d’une loi d’amnistie et prononcé le déplacement d’office du magistrat et, d’autre part, du décret de nomination consécutif à cette décision. Annulation du décret de nomination pris en exécution d’une décision ayant prononcé le déplacement d’office non définitive et dont l’exécution provisoire n’a pas été prévue
Décision(s) associée(s)

Le Conseil d’État statuant au contentieux (section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu, 1) sous le n° 178477, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars et 4 juillet 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. X demeurant ... ; M. X demande au Conseil d’État :

1 - d’annuler la décision du 21 mars 1995 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège a dit qu’il n’y avait pas lieu de faire application des dispositions de l’article 14 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie et a prononcé à son encontre la sanction de déplacement d’office ;

2 - de condamner l’État à lui payer la somme de 24 120 F en application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu, 2) sous le n° 179170, la requête enregistrée le 2 avril 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour M. X ; M. X demande au Conseil d’État d’annuler :

1 - le décret du 15 mars 1996 le nommant juge au tribunal de grande instance de ... ;

2 - la décision fixant au 1er avril 1996 la date d’exécution dudit décret et l’installation du requérant au tribunal de grande instance de ... ;

3 - de prononcer d’ores et déjà le sursis à exécution du décret attaqué ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Marchand, conseiller d’État,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Lamy, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X concernent la situation du même magistrat et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision :

Sur la requête n° 178477

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant, en premier lieu, que si M. X a soutenu dans son mémoire complémentaire que la procédure suivie devant le Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège était irrégulière pour ne pas avoir respecté les dispositions de l’article 6-1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ce moyen qui est fondé sur une cause juridique distincte des autres moyens soulevés dans les délais, n’a été invoqué qu’après l’expiration du délai de recours en cassation et est en conséquence irrecevable ;

Considérant, en second lieu, qu’en constatant que le comportement de M. X constituait un manquement à l’honneur, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas commis d’erreur de droit et a fait une exacte qualification des faits ; qu’il résulte de ce qui précède que la requête de M. X tendant à l’annulation de la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 21 décembre 1995 doit être rejetée ;

Sur la requête n° 179710

Considérant qu’aux termes de l’article 16 alinéa 4 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : « Les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles définitives sont portées devant l’autorité ou la juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l’amnistie lui est effectivement acquis. En l’absence de décision définitive, ces contestations sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite. L’exécution de la sanction est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a également un caractère suspensif » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que la sanction de déplacement d’office d’un magistrat du siège ne peut être exécutée si la décision la prononçant n’est pas définitive ; que le 15 mars 1996, date du décret attaqué, la décision du Conseil supérieur de la magistrature, sanctionnant le requérant, dont l’exécution provisoire n’a pas été prévue se trouvait suspendue en raison du recours en cassation exercé par M. X ; qu’il résulte de tout ce qui précède que le décret nommant M. X juge au tribunal de grande instance de V et la décision fixant au 1er avril 1996 la date d’exécution dudit décret et l’installation du requérant doivent être annulés ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l’État à payer à M. X la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : La requête n° 178477 de M. X est rejetée.

Article 2 : Le décret du 15 mars 1996 nommant M. X juge au tribunal de grande instance de ... et la décision fixant au 1er avril 1996 la date d’exécution dudit décret et l’installation de M. X sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X et au garde des sceaux, ministre de la justice.