Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
09/05/1973
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des supérieurs hiérarchiques, Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation de résidence)
Décision
Déplacement d'office
Retrait des fonctions de président de tribunal de grande instance
Mots-clés
Chef de juridiction
Négligence
Gestion du tribunal
Refus
Faux
Délicatesse
Supérieur hiérarchique
Légalité
Etat de magistrat
Fonctions
Résidence
Déplacement d'office
Retrait des fonctions
Président de tribunal de grande instance
Fonction
Président de tribunal de grande instance
Résumé
Négligences d’un chef de juridiction consistant, notamment, à ne pas respecter l’obligation de résidence, à se désintéresser de la gestion de sa juridiction et à refuser l’application de dispositions nouvelles au mépris d’instructions reçues de son premier président. Mention sur la minute d’un jugement de la présence d’un magistrat n’ayant ni siégé ni délibéré
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature complétée et modifiée par les lois organiques n° 67-130 du 20 février 1967 et n° 70-642 du 17 juillet 1970 ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 27 décembre 1972 dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, président du tribunal de grande instance de V ;

Ouï M. le directeur des services judiciaires, qui s’est retiré après les débats ;

Et sur le rapport de M. Buraud, premier président de la cour d’appel de W ;

Ouï M. X en ses explications ;

Considérant que M. X, président du tribunal de grande instance de V depuis le 2 mars 1959 et précédemment président du tribunal de Y depuis le 3 août 1956, n’a jamais observé l’obligation de résidence malgré l’engagement écrit qu’il avait pris et au mépris des invitations réitérées qui lui avaient été adressées ; qu’invoquant ses obligations familiales lourdes il a conservé son domicile à U, avec un pied-à-terre à Z, ne séjournant habituellement à V que du mardi 14 heures au vendredi 18 heures ;

Considérant que cet éloignement du siège de sa juridiction et le peu d’intérêt qu’il porte aux problèmes d’administration et de gestion l’ont conduit à des négligences certaines dans ses devoirs de chef d’une juridiction importante ;

Considérant d’autre part que M. X manifeste peu d’empressement, et même une certaine répugnance, à appliquer les dispositions nouvelles de la procédure civile relatives à la mise en état, préférant persister dans des errements qu’il estime plus efficaces ; qu’il a délibérément écarté les instructions d’une circulaire du premier président de la cour d’appel de Z tendant à unifier dans le ressort les dispositions touchant la mise en œuvre des textes qui ont apporté d’importantes modifications au code de procédure civile ;

Considérant enfin que les règles les plus élémentaires et aussi les plus essentielles régissant une juridiction de caractère collégial et le délibéré qui doit précéder sa décision ont été négligées ou transgressées par M. X ; qu’ainsi, à l’occasion d’une affaire relevant de la chambre du conseil, un magistrat, porté sur la minute du jugement comme ayant participé à l’audience, n’a en réalité ni siégé ni délibéré ;

Considérant que ces manquements aux devoirs fondamentaux d’un chef de tribunal, nuisibles à une bonne administration de la justice, commandent que soit retirée à M. X la direction d’une juridiction ou d’une formation collégiale et qu’il soit affecté à un poste où ses qualités de juriste attestées par les notes figurant à son dossier pourraient être employées d’une manière mieux appropriée ;

Considérant que M. X, à qui cette suggestion a été faite, s’est refusé à y souscrire de son plein gré ;

Par ces motifs,

Prononce contre M. X les sanctions disciplinaires prévues par l’article 45, 2° et 3°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée (déplacement d’office et retrait des fonctions de président de tribunal de grande instance).