Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
21/06/1962
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Décision
Admission à cesser ses fonctions
Mots-clés
Vie privée
Argent
Probité
Dignité
Admission à cesser ses fonctions
Juge de paix
Fonction
Juge de paix
Résumé
Dettes importantes contractées par un magistrat. Absence de contribution aux charges de son mariage

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 12 février 1959 relatifs au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les dépêches de M. le garde des sceaux n° 14.036 et 3.441 des 31 octobre 1961 et 27 février 1962, dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, juge de paix à la suite du tribunal d’instance de V ;

Vu la commission rogatoire délivrée le 24 novembre 1961 à M. le premier président de la cour d’appel de W, à l’effet d’entendre M. X ou de le faire entendre par un magistrat de rang au moins égal à celui de ce dernier et pour accomplir tous actes d’investigations utiles sur les faits articulés par M. le ministre de la justice dans la dépêche précitée du 31 octobre 1961 ;

Vu les rapports de M. le premier président de la cour d’appel de W, en date des 9 et 13 décembre 1961, et 13 janvier 1962, contenant divers renseignements, mais relatant l’impossibilité d’exécuter la commission rogatoire précitée en raison du départ, dans le département de A, de M. X ;

Vu la commission rogatoire délivrée le 1er mars 1962 à M. le premier président de la cour d’appel de B, pour entendre M. X ou faire entendre ce magistrat par un magistrat de rang au moins égal au sien, sur tous les faits spécifiés dans les dépêches de M. le garde des sceaux des 31 octobre 1981 et 27 février 1962, ainsi que pour accomplir tous actes d’investigations utiles ;

Vu l’ordonnance de M. le premier président de la cour d’appel de B, en date du 6 mars 1962, commettant M. le président du tribunal de grande instance de W pour exécuter cette commission rogatoire ;

Vu le procès-verbal en date du 20 mars 1962 de l’enquête diligentée par M. le président du tribunal de W, ensemble les pièces annexées ;

Vu l’ordonnance de M. le premier président de la cour d’appel de B, en date du 27 mars 1962, commettant M. Y, vice-président au tribunal de grande instance de W, pour poursuivre l’exécution de la commission rogatoire susvisée ;

Vu le procès-verbal en date du 6 et du 12 avril 1962 de l’enquête diligentée par M. Y, ensemble les pièces annexées ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bodard ;

Ouï M. X en ses explications et Me Lussan, avocat à la cour d’appel de Paris, son conseil ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que dans les diverses résidences d’Algérie auxquelles il a été appelé, M. X a, pour vivre au-dessus de ses moyens, contracté, dans des conditions précisées dans les dépêches susvisées du 31 octobre 1961 et 27 février 1962, des dettes qu’il n’a pu rembourser ; que lors de son installation au tribunal d’instance de V, il a présenté aux autorités comme étant sa femme une jeune musulmane avec laquelle il vivait en concubinage dans des conditions qui avaient attiré l’attention de la population ; que pendant plus d’une année il a laissé sans aucune contribution à leur entretien, son épouse et ceux des six enfants issus de leur union, dont celle-ci avait la charge dans la métropole et que les allocations familiales mêmes n’ont été que pendant les six derniers mois de cette période mandatées directement à la dame X, sur la demande formulée par celle-ci ; qu’enfin, aux dates des 29 juillet, 1er et 29 décembre 1961, M. X a émis successivement trois chèques postaux qui n’ont pu être suivis d’effet, l’avoir disponible sur son compte étant chaque fois insuffisant ;

Attendu que, sans qu’il n’y ait lieu d’avoir égard à une dette de 178 NF 47, contractée envers le sieur Y, commerçant à Alger, les faits ci-dessus spécifiés constituent des fautes disciplinaires ; que ces faits sont particulièrement graves ; que toutefois il convient de tenir compte des circonstances de l’affaire et notamment de la situation familiale de M. X ;

Par ces motifs,

Prononce contre M. X la sanction disciplinaire prévue par le § 6 (admission à cesser ses fonctions) de l’article 45 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.