Skip to main content
Siège

Décision n° S234 - 19/12/2019

Non lieu à sanction

Sanction

Non lieu à sanction

Manquements

Formation professionnelle
Impartialité

Fonction

Président de chambre à la cour de cassation
Retour

Le Conseil relève que l’impartialité du magistrat constitue, pour celui-ci, un devoir absolu, destiné à rendre effectif l’un des principes fondateurs de la République : l’égalité des citoyens devant la loi. Ce principe trouve son corollaire dans l’obligation de déport lorsqu’un lien existe entre le magistrat et l’une des parties d’un litige qu’il est appelé à trancher. Cette obligation est reprise dans le recueil de déontologie diffusé en janvier 2019 : « Le magistrat se déporte, sans attendre une éventuelle demande de récusation lorsqu’une situation fait naître, dans son esprit, dans celui des parties ou du public un doute légitime sur son impartialité ou l’existence d’un conflit d’intérêts ». En l'espèce, la participation régulière et rémunérée des magistrats mis en cause à des journées d’études organisées par une société privée, à destination d’un public qui y accédait en réglant des frais d’inscription, constituait un lien d’intérêt entre les magistrats et l’une des parties au pourvoi qu’ils jugeaient. L’existence de ce lien a pu créer un doute légitime dans l’esprit du justiciable sur l’impartialité des magistrats mis en cause. Les magistrats mis en cause se sont d’ailleurs interrogés sur l’opportunité d’un déport en raison d’une atteinte à l’impartialité objective. Dès lors, les magistrats en cause, auraient dû faire usage de la règle du déport. Toutefois, il n’est pas contesté que, dans le cadre de ces interventions extérieures, les magistrats n’entretenaient aucune relation directe avec les dirigeants des sociétés en cause, n’étaient pas choisis comme intervenants intuitu personae mais en raison de leur statut et de leur position au sein de leur juridiction, n’étaient pas salariés de la société puisqu’ils disposaient d’une liberté totale d’intervention, et n’avaient aucun lien de subordination avec les sociétés. Enfin, leur rémunération pour ces interventions était forfaitaire, d’un montant conforme aux usages et ne constituait pas pour eux une condition de leurs interventions. Compte tenu de ces circonstances particulières, le Conseil considère que l’inobservation des règles déontologiques constatée n’atteint pas un niveau de gravité la rendant constitutive d’une faute disciplinaire. // L’article 8 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que « l’exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l’exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée (…). Des dérogations individuelles peuvent toutefois être accordées aux magistrats, par décision des chefs de cour, pour donner des enseignements ressortissant à leur compétence ou pour exercer des fonctions ou activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance, à l’exception des activités d’arbitrage, sous réserve des cas prévus par les dispositions législatives en vigueur ». En l’espèce, les magistrats mis en cause participaient régulièrement, en recevant une rémunération forfaitaire, à des journées de formation, sans qu’aucune dérogation individuelle pour effectuer de telles prestations n’ait été sollicitée par eux. Ces rencontres avaient pour vocation principale la diffusion par les magistrats de la jurisprudence. Elles permettaient au surplus d’échanger avec les différents acteurs du monde de l’entreprise. Dès lors, le Conseil considère que ces interventions extérieures relevaient d’une activité d’enseignement en application de l’alinéa 2 de l’article 8 et ne pouvaient être assimilées à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. La connaissance par le chef de Cour du fait que des magistrats réalisaient des interventions extérieures relevant d'une activité d'enseignement ne saurait se substituer à l’obligation légale d’une décision de sa part valant dérogation individuelle. En ce sens, les magistrats mis en cause n’ont pas respecté l’article 8 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Toutefois, ces formations sont intervenues dans un contexte caractérisé par l’absence de lignes directrices précises. Le Conseil considère donc, en l’espèce, que l’inobservation de l’article 8 susvisé par les magistrats mis en cause n’est pas constitutive d’une faute disciplinaire au sens de l’article 43 de l’ordonnance susvisée. // En application du principe d’autonomie de la procédure disciplinaire par rapport à la procédure judiciaire, il incombe au Conseil supérieur de la magistrature d’apprécier le comportement des magistrats au regard des dispositions de l’article 43, premier alinéa, de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 aux termes duquel « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ».