Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
19/12/2013
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des collègues, Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des tiers, Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Décision
Déplacement d'office
Mots-clés
Absence
Alcool
Délicatesse
Déplacement d'office
Dignité
Etat psychiatrique
Examen médical
Examen psychiatrique
Image de la justice
Institution judiciaire (confiance)
Juge
Fonction
Juge au tribunal de grande instance
Résumé
Le magistrat, en raison d'un état de dépendance à l'alcool, a présenté des absences inopinées et pour certaines inustifiées, a eu un comportement qui a désorganisé le service et s'est trouvé en état d'ébriété à l'intérieur et à l'extérieur de la juridiction

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni le 4 décembre 2013 au siège du Conseil comme Conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le garde des sceaux, contre Mme X, juge au tribunal de grande instance de xxxxx, sous la présidence de M. Daniel Ludet, Conseiller à la Cour de cassation, suppléant M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, président de la formation, (…)

Vu les articles 43 à 58 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ; Vu l’article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la décision du 11 mars 2011 du Conseil supérieur de la magistrature interdisant temporairement à Mme X l'exercice de ses fonctions ;

Vu l'acte de saisine du garde des sceaux, en date du 10 mai 2011, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l'encontre de Mme X, juge au tribunal de grande instance de xxxxx, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Vu l'ordonnance du 16 juin 2011 désignant Mme Chantal Kerbec en qualité de rapporteur ; Vu le rapport de Mme Chantal Kerbec du 20 décembre 2012 dont Mme X a reçu copie ;

Vu la décision du Conseil du 7 février 2013 ayant dit que les faits reprochés à Mme X constituent des fautes disciplinaires, sursis au prononcé d’une sanction et ordonné un complément d’expertise confié au docteur B, expert psychiatre près la cour d’appel de xxxxx agréé par la Cour de cassation, avec mission ; - de procéder à un examen médical et psychiatrique de Mme X ; - de faire toutes les observations utiles quant à l’état de santé psychique et physique de Mme X et le cas échéant, de l’inviter à procéder à toutes les analyses de sang ou autres, après tous prélèvements utiles ; - dire si et quand son état de santé sera compatible avec une reprise de l’exercice de ses fonctions à temps plein, et le cas échéant, dans quelles conditions ;

Vu le dépôt du rapport de l'expert le 28 septembre 2013 ;

Vu les pièces déposées le jour de l’audience par Mme A, avocate au barreau de xxxxx, pour la défense de Mme X ;

Vu le rappel, par M. le président, des termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : «L’audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline » et l'absence de demande spécifique formulée en ce sens par Mme X et son conseil, conduisant à tenir l'audience publiquement ;

Après lecture par le Président des conclusions de l’expert, le Conseil a entendu Mme X, assistée de Mme A, avocate au barreau de xxxxx, en ses explications et moyens de défense, Mme Valérie Delnaud sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Mme Malika Cottet, magistrate à l’administration centrale, en ses observations tendant au prononcé de la sanction d’abaissement d’échelon assortie du déplacement d’office de Mme X et la plaidoirie de Me A, Mme X ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a ensuite délibéré ;

*** Attendu que les conclusions du rapport d’expertise du docteur B sont les suivantes :

- « l’examen psychique et physique de madame X est amélioré. Elle est parvenue à une sobriété stable. Elle a investi positivement le traitement psychologique qui lui a été proposé.

- Les fonctions biologiques se sont normalisées et témoignent de sa sobriété au long cours.

- Elle a retrouvé de façon durable un bon niveau d’exercice de ses fonctions psychiques

- Elle est apte à la reprise de ses fonctions à temps plein à partir de la date de (l’) examen, le 18 mars 2013.

- La poursuite du traitement psychologique entrepris reste nécessaire de façon prolongée en étayage de cette réinsertion professionnelle afin d’éviter toute rechute »

Attendu qu’à l’audience, Mme X a indiqué au Conseil vouloir « recommencer dans des perspectives positives », dans une autre juridiction que le tribunal de grande instance de xxxxx, précisant faire l’objet d’un suivi médical et psychologique ;

Attendu en conséquence que les conclusions de l’expert désigné par le Conseil et l’audition de Mme X lors de l’audience permettent de lever l’incertitude sur la compatibilité de son état de santé avec la reprise de l’exercice de ses fonctions à temps plein ;

Attendu que le Conseil, qui a relevé dans sa décision du 7 février 2013 des manquements à l'encontre de Mme X, doit déterminer la sanction qu'elles appellent sur le plan de sa responsabilité disciplinaire de façon à permettre également à la magistrate de reprendre l'exercice de fonctions judiciaires ;

Attendu, en premier lieu, que le comportement de Mme X au sein et à l’extérieur du tribunal de grande instance de xxxxx, par l’atteinte à l’image et au crédit de l’institution judiciaire et par le manquement au devoir de délicatesse à l’égard des magistrats et fonctionnaires de la juridiction, ne lui permet pas une reprise de son activité au tribunal de grande instance de xxxxx ;

Attendu, en second lieu, que la réussite d'une réinsertion professionnelle de Mme X sera, au vu des conclusions de l'expertise du Dr B, tributaire de conditions tenant compte de ce que l'intéressée devra poursuivre le traitement qu'elle a entrepris pour assurer durablement la guérison de la dépression à l'origine de l' addiction à l'alcool qu'elle a présentée;

Qu’à cet égard, une affectation de la magistrate qui ne soit pas incompatible avec le soutien qu'elle seule apporte à des parents très âgés et dépendants et l’attribution au sein de sa nouvelle juridiction pendant une durée permettant de vérifier l'évolution positive de Mme X, de tâches à accomplir exclusivement en collégialité, pourraient s'avérer adaptées;

Attendu qu’il y a lieu, au vu de l'ensemble de ces considérations, de prononcer à l’encontre de Mme X la sanction du déplacement d’office ;

 

*** PAR CES MOTIFS,

Le Conseil, après en avoir délibéré à huis clos, et hors la présence de Mme Chantal Kerbec, rapporteur ;

Statuant en audience publique, le 4 décembre 2013 pour les débats et le 19 décembre 2013, par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;

Prononce à l'encontre de Mme X la sanction prévue à l’article 45, 2° de l’ordonnance du 22 décembre 1958, de déplacement d’office ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de xxxxx.