Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
01/02/2006
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des auxiliaires de justice, Manquement au devoir de probité (devoir de respecter les exigences des bonnes mœurs), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Décision
Retrait des fonctions de président de la cour nationale de ...
Mots-clés
Chef de juridiction
Harcèlement moral
Harcèlement sexuel
Mise en examen
Propos déplacés
Gestes déplacés
Familiarité
Abus d'autorité
Délicatesse
Auxiliaire de justice
Probité
Bonnes mœurs
Dignité
Retrait des fonctions
Président de chambre de cour d'appel
Fonction
Président de chambre de cour d'appel
Résumé
Ouverture d’une information judiciaire des chefs de harcèlement moral et sexuel à l’encontre d’un magistrat présidant la cour nationale de … ayant adopté une attitude équivoque à l’égard d’agents féminins, un comportement arrogant et incontrôlé à l’égard de personnels subordonnés et des méthodes de gestion excessivement brutales
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par M. le garde des sceaux, ministre de la justice contre M. X, président de chambre à la cour d’appel de ..., président de la cour nationale de …, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation […] ;

Vu les articles 43 à 58 modifiés par l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la décision prise le 20 juillet 2004 par le Conseil supérieur de la magistrature, interdisant temporairement à M. X l’exercice des fonctions de président de la cour nationale de …, jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 15 septembre 2004, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X ;

Vu la lettre du 5 octobre 2004 par laquelle M. X a désigné … président de chambre honoraire à la Cour de cassation, Me … avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et Me … avocat au barreau de … pour l’assister ;

Vu l’article 57 de l’ordonnance précitée n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifié par l’article 49 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les conclusions déposées par Me … le 24 janvier 2006 ;

Sur le rapport de M. Alain Bacquet, désigné par ordonnance du 13 juillet 2005, dont M. X a reçu copie ;

Après avoir entendu M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires au ministère de la justice, M. Alain Bacquet donner lecture de son rapport, M. X en ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés, … président de chambre honoraire à la Cour de cassation, Me … avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et Me … avocat au barreau de …, en leurs plaidoiries, M. X ayant eu la parole en dernier ;

Attendu que selon le rapport de l’inspection générale des services judiciaires et les pièces annexes sur lesquels se fonde la dénonciation, M. X a, dans les fonctions de président de la cour nationale de ... qu’il a exercées du mois de mars 2003 au mois de février 2004, par une attitude autoritaire et cassante, des propos humiliants et des décisions brutales, blessé la dignité de personnes placées sous son autorité ; qu’il s’est autorisé questions et commentaires choquants sur le physique et la vie privée de candidates à l’embauche ; qu’enfin, à l’égard de sa propre secrétaire, il s’est laissé aller à une familiarité déplacée, à des réflexions grossièrement impudiques et à des gestes équivoques ;

Attendu que ni la situation difficile dans laquelle se trouvait la cour nationale de ... qu’il a été chargé de présider, ni la singularité de l’organisation de cette juridiction résultant …, ni l’importance et l’urgence des réformes à entreprendre et les tensions sociales provoquées par la remise en cause des méthodes de travail, ne justifient de la part d’un magistrat, chef de juridiction, une attitude équivoque à l’égard d’agents féminins, un comportement arrogant et incontrôlé à l’égard de personnels subordonnés et des méthodes de gestion excessivement brutales ; qu’en dépit de ses explications visant à nier ou banaliser ses actes et propos, à attribuer les plaintes et doléances de certains agents à des manœuvres déloyales de ses proches collaborateurs, ces manquements sont attestés par les déclarations précises, concordantes et réitérées dans la quasi totalité des nombreuses personnes successivement entendues par l’enquête de police ouverte pour suspicion de harcèlement moral et sexuel, par les services de l’inspection générale des services judiciaires et, pour certaines d’entre elles, par le rapporteur du Conseil ;

Attendu qu’indépendamment des qualifications pénales qui pourraient être retenues dans le cadre des poursuites en cours, les faits ainsi établis caractérisent des manquements à la dignité du magistrat ;

Attendu qu’appréciée au regard des excellentes qualités professionnelles qu’il a montrées depuis le début de sa carrière et de l’activité qu’il a déployée pour rétablir un fonctionnement satisfaisant de la juridiction dont il était chargé, la sanction disciplinaire appliquée à M. X est celle du retrait des fonctions de président de la cour nationale de ... ;

Par ces motifs,

Statuant en audience publique du 26 janvier 2006, pour les débats et le 1er février 2006, date à laquelle la décision a été rendue ;

Prononce à l’encontre de M. X la sanction du retrait des fonctions de président de la cour nationale de ... prévue par l’article 45, 3° de l’ordonnance du 22 décembre 1958.