Conseil d’État, section du contentieux, requête n° 260760

Date
28/07/2004
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des collègues, Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des tiers, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Décision
Rejet
Mots-clés
CEDH
Poursuites disciplinaires (rapporteur)
Poursuites disciplinaires (impartialité)
Poursuites disciplinaires (autonomie de l'instance disciplinaire)
Poursuites disciplinaires (appréciation souveraine des faits)
Circulation (accident)
Alcool
Refus (contrôle alcoolémique)
Délicatesse
Collègue
Tiers
Probité
Abus des fonctions
Dignité
Honneur
Rejet
Président de chambre de cour d'appel
Fonction
Président de chambre de cour d'appel
Résumé
Inapplicabilité de l’article 6 § 1 de la CEDH à l’instance disciplinaire. Absence de manquement au principe d’impartialité du fait de la participation au délibéré du rapporteur et en ce que ce dernier est le chef d’une juridiction appelée à juger au pénal le magistrat poursuivi. L’engagement de poursuites pénales contre le magistrat poursuivi devant le CSM n’oblige par ce dernier à surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge pénal se soit prononcé sur ces faits. Refus délibéré d’un magistrat impliqué dans un accident de la route de se soumettre à un contrôle d’alcoolémie
Décision(s) associée(s)

Le Conseil d’État statuant au contentieux (section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 2 octobre 2003, présentée pour M. X, demeurant … et le mémoire ampliatif enregistré le 2 février 2004 ; M. X demande au Conseil d’État :

1 - d’annuler la décision en date du 18 juillet 2003 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en conseil de discipline, a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de déplacement d’office prévue par l’article 45, 2° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

2 - de mettre à la charge de l’État la somme de 2 500 euros au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sylvie Hubac, conseiller d’État,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Francis Lamy, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l’annulation de la décision par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en formation disciplinaire des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d’office ;

Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la décision attaquée au regard de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

Considérant que les stipulations de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatives aux contestations sur les droits et obligations à caractère civil et aux accusations en matière pénale, ne concernent pas le régime disciplinaire applicable à des personnes qui, comme c’est le cas pour les magistrats de l’ordre judiciaire, participent à l’exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ; que M. X ne peut, par suite, utilement se prévaloir de ces stipulations ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité :

Considérant d’une part que si, en application des dispositions combinées des articles 51 et 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, un membre du Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, est désigné comme rapporteur et peut procéder à des mesures d’investigation, de telles attributions ne différent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu’ainsi l’ensemble de ces dispositions n’ont pas pour effet de conférer au rapporteur des fonctions qui, au regard du principe d’impartialité, feraient obstacle à sa participation au délibéré de ce conseil ;

Considérant, d’autre part, que la circonstance que le rapporteur désigné en l’espèce ait été antérieurement amené, en sa qualité de premier président de la cour d’appel de Versailles, à désigner un magistrat pour compléter la chambre correctionnelle de cette juridiction saisie du dossier pénal de M. X, ne révèle pas par elle-même un manquement au principe d’impartialité ;

Sur le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de la magistrature aurait dû surseoir à statuer :

Considérant que la circonstance que des poursuites pénales aient été engagées contre le requérant n’obligeait pas le Conseil supérieur de la magistrature à surseoir à statuer sur les faits reprochés à ce magistrat jusqu’à ce que le juge pénal se soit prononcé sur ces faits ;

Sur les moyens tirés de ce que les faits reprochés à M. X n’étaient pas de nature à justifier une sanction et que celle qui a été prononcée est excessive :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, après avoir provoqué un accident de la circulation, s’est soustrait aux contrôles de la police, en invoquant sa qualité de magistrat ; qu’en jugeant que ces faits, dont la matérialité est établie, constituaient des manquement contraires aux devoirs d’un magistrat, à l’honneur, à la délicatesse et à la dignité et qu’ils étaient de nature à justifier une sanction, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas entaché sa décision d’une erreur de qualification ;

Considérant, enfin, qu’il n’appartient pas au Conseil d’État, juge de cassation, de se prononcer sur le choix de la sanction à infliger compte tenu de la gravité des faits qui l’ont motivée lequel relève de l’appréciation souveraine de la juridiction disciplinaire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Décide,

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X et au garde des sceaux, ministre de la justice.