2/2025
FORMATION DE DISCIPLINE DES MAGISTRATS DU PARQUET |
Avis du 1er juillet 2025
N° de minute : 2/2025
AVIS
Dans la procédure mettant en cause :
M. X, procureur de la République adjoint près le tribunal judiciaire de XX,
La formation de discipline des magistrats du parquet,
Sous la présidence de M. Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, président de la formation de discipline des magistrats du parquet,
En présence de :
M. Patrick Titiun
Mme Diane Roman
M. Didier Paris
Mme Dominique Lottin
M. Patrick Wachsmann
M. Jean-Luc Forget
M. Christian Vigouroux
M. Pierre-Yves Couilleau
Mme Véronique Basselin
Mme Céline Parisot
M. Alexis Bouroz
Membres du Conseil,
Assistés de Mme Sarah Salimi, secrétaire générale adjointe du Conseil supérieur de la magistrature, et de Mme Aurélie Vaudry, cheffe du pôle discipline ;
En présence de Mme Sandrine Branche, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature de la direction des services judiciaires, représentant le garde des sceaux, ministre de la justice, assistée de Mme Sara Benzohra, magistrate au bureau du statut et de la déontologie de cette même direction ;
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, notamment ses articles 43 à 66 ;
Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, notamment son article 19 ;
Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, notamment ses articles 40 à 44 ;
Vu la dépêche du garde des sceaux datée du 6 août 2024 et reçue le 13 août 2024, et les pièces annexées, saisissant le Conseil supérieur de la magistrature pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l’égard de M. X ;
Vu la décision du 4 septembre 2024 désignant M. Patrick Wachsmann, membre du Conseil, en qualité de rapporteur ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de M. X, préalablement mis à sa disposition ainsi qu’à celle de sa défenseure et de ses conseils ;
Vu l’ensemble des pièces jointes au dossier au cours de la procédure, dont M. X et sa défenseure ont reçu copie ;
Vu le rapport du 6 mai 2025 déposé par M. Wachsmann, dont M. X a reçu copie ;
Vu la convocation adressée à M. X le 6 mai 2025 et sa notification par la voie hiérarchique du 13 mai 2025 ;
Vu les convocations adressées à Mme C, vice-présidente au tribunal judiciaire de XXXX, secrétaire nationale du Y, défenseure de M. X, Mes A et B, avocats au barreau de XX, conseils de M. X ;
Après avoir entendu en salle d’audience de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, lors de l’audience publique du 3 juin 2025 :
- M. Wachsmann, en son rapport ;
- Les explications et moyens de défense de M. X, après notification qui lui a été faite de son droit de garder le silence, de faire des déclarations ou de répondre aux questions ;
- Les observations de sa défenseure et de ses conseils ;
- Les observations de Mme Branche, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, représentant le garde des sceaux, ministre de la justice, tendant au prononcé de la sanction de l’abaissement de deux échelons assorti du déplacement d’office ;
- M. X ayant eu la parole en dernier ;
A rendu le présent
AVIS
Sur la saisine du conseil de discipline
Par acte du 6 août 2024, reçu le 13 août 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi la formation de discipline du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet de poursuites visant M. X, procureur de la République adjoint près le tribunal judiciaire de XX.
L’acte de saisine impute à M. X les manquements suivants :
1- En détournant les renseignements inscrits sur les curriculum vitae des candidates aux postes d'assistantes de justice, sur les tableaux de permanence du greffe, et sur une plainte pénale, pour obtenir les coordonnées de personnels féminins du tribunal judiciaire et d'une justiciable, et en détournant l'usage de son téléphone professionnel pour les contacter dans l'objectif de les séduire, M. X a manqué à ses devoirs d'intégrité, de probité et de loyauté dans l'administration de la justice.
2- En contactant d'initiative Mme V, assistante de justice, sans que cette dernière ne lui ait donné son numéro de téléphone, en lui envoyant des messages dépassant le cadre des relations professionnelles, de manière parfois répétée malgré l'absence de réponse, en continuant ainsi malgré le refus exprès de cette dernière et l'entretien avec son procureur de la République, et en adoptant un comportement confinant au harcèlement ayant eu des répercussions sur l'activité et la santé de Mme V entraînant cette dernière à déposer plainte, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat.
3- En envoyant des courriels depuis son adresse professionnelle mais excédant ce cadre, à vocation séductrice, parfois en lien avec leur aspect physique ou leur tenue vestimentaire, à Mmes G, Mme H et I, greffières, J et K, adjointes administratives, L et M, magistrates, et N, agente contractuelle, de nature à instaurer une proximité pesante, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat.
4- En envoyant des SMS depuis son téléphone professionnel mais excédant ce cadre, à vocation séductrice, parfois en lien avec leur aspect physique ou leur tenue vestimentaire, à des membres féminins du personnel judiciaire qui ne lui avaient pas remis leur numéro, notamment à Mmes D et I, greffières, Caroline E et U, assistantes de justice, et T, auditrice de justice, de nature à instaurer une proximité pesante, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat.
5- En regardant avec insistance les personnels féminins du tribunal judiciaire, créant une sensation de malaise, notamment Mmes P et O, greffières, S, R et C, assistantes de justice, Q, magistrate, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat.
6- En récupérant le numéro de téléphone d'une partie civile, Mme W, dans un dossier pénal, en prenant contact avec cette dernière, en lui envoyant plusieurs messages familiers et personnels conduisant la victime à demander à ce qu'il soit déchargé des procédures pénales qui pourraient la concerner, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat.
7- En donnant à voir de tels comportements inadaptés à ses collègues magistrats, aux greffiers, fonctionnaires et agents contractuels du tribunal, et à une justiciable, ayant de larges échos dans toute la communauté judiciaire, M. X a porté atteinte à la confiance et au respect que la fonction de magistrat doit inspirer et par là-même à l'image et à l'autorité de l'institution judiciaire.
8- En tenant publiquement des propos sexistes lors de son discours à l'audience solennelle d'installation des nouveaux arrivants en septembre 2023, M. X a manqué au devoir de délicatesse et a porté atteinte à l'image de l'institution judiciaire.
Sur la publicité de l’audience
Aux termes de l’article 65 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, « Si le magistrat cité, hors le cas de force majeure, ne comparaît pas, il peut être passé outre. L'audience de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ».
M. X a invoqué un risque d’atteinte à l’intimité de la vie privée tant le concernant personnellement qu’à l’égard de son épouse et de sa fille ainsi que des personnes entendues par l’Inspection générale de la justice. Il a également souligné le risque d’atteinte à l’image de la justice au regard de l’intérim du procureur de la République de la juridiction qu’il sera amené à assurer lors des vacations judiciaires à venir.
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur, la formation de discipline a rejeté la demande de non-publicité des débats, considérant que les moyens tirés de l’atteinte à l’intimité de la vie privée des témoins et de sa famille n’étaient pas avérés et en tout état de cause indirects, leurs identités n’ayant pas à être citées. De même, les éléments de personnalité devant être abordés ne sont pas de nature à exclure le principe de publicité de l’audience. Enfin, le moyen tiré de l’atteinte à l’image de la justice n’apparaît pas opérant, toute comparution disciplinaire d’un magistrat étant dans son principe de nature à porter une telle atteinte.
Sur les faits à l’origine des poursuites disciplinaires
Les faits en cause ont eu lieu alors que M. X exerçait les fonctions de vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de XX du 1er septembre 2008 au 1er septembre 2014, puis celles de procureur de la République adjoint près la même juridiction à compter du 1er septembre 2016.
Par dépêche du 13 juin 2023, le procureur général près la cour d'appel de XXX a informé la direction des services judiciaires de l’enquête administrative diligentée par ses soins à l’égard de M. X à la suite d’une plainte déposée à son encontre par une assistante de justice du parquet de XX.
Le procureur général avait été saisi par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de XX suivant rapport du 12 mai 2021 signalant des faits de harcèlement téléphonique dénoncés par Mme V, assistante de justice recrutée par la juridiction depuis le 1er octobre 2019. La jeune femme avait dénoncé la réception de 45 messages écrits (SMS) au contenu inapproprié sur son téléphone portable personnel entre le 2 octobre 2019 et le 22 septembre 2020 en provenance du téléphone professionnel de M. X, outre un courriel du 2 novembre 2020. La tentative de séduction mise en œuvre par M. X, qui apparaissait de manière univoque au regard du contenu des SMS, s’était poursuivie, selon Mme V, malgré le refus d’une relation excédant la stricte sphère professionnelle qu’elle avait exprimé explicitement.
Aux termes de son enquête administrative, le procureur général a relevé des agissements inadaptés de M. X à l’égard de Mme V ainsi que de plusieurs autres assistantes de justice, greffières et adjointes administratives, concluant à la contrariété de son comportement aux devoirs de son état.
Suivant dépêche du 13 juin 2023, le nouveau procureur de la République près la juridiction de XX a adressé au procureur général un rapport relatif au comportement de M. X à l’égard d’une justiciable, Mme W, qui avait signalé la réception sur son téléphone personnel de messages inappropriés de la part du magistrat.
Par lettre de mission du 25 octobre 2023, l’Inspection générale de la justice était saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, de la situation de M. X.
Le rapport de l’enquête administrative déposé le 15 avril 2024 a imputé à M. X des manquements aux devoirs de dignité, de délicatesse, de probité et de loyauté à l’égard de plusieurs greffières, adjointes administratives, magistrates, assistantes de justice, agents contractuels, d’une auditrice de justice et d’une justiciable, par l’envoi de mails et SMS ou par des regards malaisants et par un discours à connotation sexiste lors d’une audience solennelle d’installation de nouvelles magistrates.
Sur le premier grief fondé sur la captation de numéros de téléphone privé et l’usage de son téléphone professionnel à des fins étrangères au service.
Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée, dans sa version applicable en l’espèce, « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ».
En l’espèce, il ressort de l’enquête administrative que M. X s’est procuré les numéros de téléphone portable personnel de plusieurs greffières, adjointes administratives ou assistantes de justice et d’une auditrice de justice, en consultant des informations auxquelles il avait accès pour les seuls besoins du service, en particulier sur les curriculum vitae des assistantes de justice et les plannings et téléphones de permanence du parquet.
Outre le caractère illicite de cette récupération de données personnelles, la mission d’inspection a révélé qu’il s’agissait d’un mode opératoire mis en œuvre par M. X afin de se dispenser de solliciter directement leurs numéros auprès des jeunes femmes concernées, voire de contourner leurs refus de lui remettre leurs numéros de téléphone personnel.
L’usage du téléphone professionnel remis par la juridiction pour les besoins du service participait du modus operandi de M. X visant à brouiller la frontière entre les sphères professionnelle et privée, favorisant ainsi un effet de surprise, voire de malaise chez ses interlocutrices, en contradiction de l’attitude adoptée par M. X dans les relations professionnelles au tribunal.
M. X a ainsi adressé directement un SMS à Mmes D (en 2016), Mme H et Mme I (en 2018 et 2019), greffières, à Mmes E et U, assistantes de justice (en 2018) et à Mme T, auditrice de justice (en 2023).
M. X ira jusqu’à détourner, en 2023, le numéro de téléphone d’une partie civile à un procès pénal auquel il avait participé en qualité de représentant du ministère public.
Ce détournement systématique de données personnelles, en dehors des exigences du service, et l’usage de son téléphone professionnel à des fins privées caractérisent un manquement aux devoirs de loyauté et de délicatesse et sont manifestement contraires aux devoirs de l’état de magistrat s’agissant d’un abus des fonctions de procureur de la République adjoint.
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième griefs fondés sur le comportement de M. X à l’égard de collaboratrices de la juridiction.
L’acte de saisine impute à M. X l’envoi de courriels ou de SMS par l’intermédiaire de ses messagerie et téléphone professionnels sur les adresses professionnelles et les téléphones personnels de plusieurs collaboratrices de la juridiction. Il lui est également reproché d’avoir porté des regards insistants et malaisants sur certaines jeunes femmes travaillant au sein du tribunal.
Il ressort de l’enquête administrative que M. X a utilisé sa messagerie professionnelle pour adresser des courriels de nature privée, à vocation séductrice, parfois en lien avec leur aspect physique ou leur tenue vestimentaire, à Mmes G, et I, greffières, J et K, adjointes administratives, L et M, magistrates, et N, agente contractuelle.
Il est également constant que M. X a envoyé des SMS de même nature à des membres féminins de la juridiction qui ne lui avaient pas remis leur numéro de ligne personnelle. Dans certains cas, ces messages comportaient une proposition explicite de rencontre en dehors de la juridiction.
S’il apparaît que les dénonciations de Mmes O et P sont insuffisamment étayées pour être retenues, il est en revanche démontré que Mmes D et I, greffières, E et U, assistantes de justice, et T, auditrice de justice, ont reçu des messages de nature à instaurer une proximité qu’elles ont décrite comme pesante et inattendue dans la mesure où M. X n’avait pas sollicité leur numéro personnel en amont, ou même pour certaines qu’elles avaient refusé de le lui communiquer.
En ce qui concerne le cinquième grief contesté tenant aux regards ressentis par plusieurs jeunes femmes comme étant malaisants ou désagréables, ces faits sont suffisamment établis au regard de la concordance des témoignages mettant en cause M. X et notamment ceux de Mmes P et O, greffières, S, R et C, assistantes de justice, Q, magistrate.
Par ses regards équivoques, ses courriels et SMS intrusifs adressés de manière systématique et à un très grand nombre de jeunes femmes de la juridiction, M. X a manqué aux devoirs de dignité, de délicatesse et aux devoirs de son état de magistrat alors qu’en raison de sa position de procureur de la République adjoint, de la différence d’âge et de statut existant entre lui et la plupart des destinataires des messages ou regards, il devait s’abstenir de tout comportement de nature à déstabiliser ses collaboratrices et dégrader l’ambiance de travail.
Il est constant, par ailleurs, que M. X, à qui étaient confiés le recrutement et le suivi des assistantes de justice du parquet de la juridiction a, dès le lendemain de la prise de poste de Mme V le 1er octobre 2019, envoyé des messages à caractère personnel sur le téléphone portable de la jeune femme.
La démarche mise en œuvre par M. X l’a conduit à adresser à Mme V, qui ne lui avait pas communiqué son numéro de téléphone, jusqu’à sept messages sur la seule journée du 8 octobre 2019 et un total de 45 messages entre le 2 octobre 2019 et le 22 septembre 2020.
Si le contenu des messages envoyés ne comporte, selon la mission d’inspection, aucun propos offensant, s’agissant soit de compliments, soit d’interrogations sur la vie sentimentale de Mme V, M. X a persisté à les envoyer en grand nombre malgré les réponses formelles et exclusivement professionnelles apportées à ses sollicitations puis le silence gardé à leurs réceptions suivi d’une demande ferme exprimée par écrit de cesser les envois de cette nature.
Ces agissements répétés de M. X à l’égard de Mme V s’analysent en un manquement caractérisé au devoir de délicatesse.
Les circonstances dans lesquelles ces tentatives d’approche se sont déroulées, en particulier l’asymétrie des statuts et la différence d’âge des protagonistes, le lien de subordination existant entre eux, particulièrement insécurisant dans la situation de Mme V dont le recrutement s’était fait à l’initiative de M. X et alors que sa période d’essai était toujours en cours lors des premiers messages, caractérisent un manquement particulièrement grave au devoir de dignité et sont contraires aux obligations de l’état de magistrat.
Ces faits ont provoqué, outre un congé de maladie, la démission de Mme V et ont eu raison de sa participation au service public de la justice, portant ainsi gravement atteinte à la confiance et au respect que la fonction de magistrat doit inspirer et par là-même à l'image et à l'autorité de l'institution judiciaire.
Sur le sixième grief fondé sur le comportement de M. X à l’égard d’une justiciable, partie civile.
Le rapport du procureur de la République près le tribunal judiciaire de XX, daté du 13 juin 2023, a révélé des tentatives d’approche par M. X d’une justiciable au moyen de messages réitérés adressés sur son téléphone personnel.
Ces faits, qui démontrent une perte totale de repères déontologiques chez le magistrat qui n’a pas hésité à détourner le numéro de téléphone d’une partie civile inscrit en procédure, ont été commis malgré le rappel à l’ordre informel de son procureur de la République en septembre 2020 suite à la plainte de Mme V.
Le Conseil relève, en outre, qu’il s’agissait d’une victime d’une particulière vulnérabilité dont M. X avait nécessairement connaissance au regard de la nature des faits en cause (violences intra-familiales), de la qualité de leur auteur (policier du ressort) et du contexte de tension dans lequel l’audience, à laquelle il participait, s’était déroulée.
Par ce comportement, M. X a gravement manqué à ses devoirs de délicatesse, de dignité et aux devoirs de son état.
Par ailleurs, les premiers messages adressés par M. X à l’intéressée, en ce qu’ils comportent des conseils juridiques, révèlent une atteinte à l’exigence d’impartialité et de neutralité à l’égard des parties, laquelle s’imposait d’autant plus à M. X qu’il tenait le siège du ministère public à l’audience.
Ces faits commis à l’égard d’une justiciable, qui les a portés à la connaissance de l’association d’aide aux victimes du tribunal, ont gravement porté atteinte à la confiance en la justice et à l’image et l’autorité de l’institution judiciaire.
Sur le dernier grief fondé sur l’usage de propos sexistes lors d’un discours d’audience d’installation.
Il est reproché à M. X d’avoir, lors de son discours à l'audience solennelle d'installation du 29 septembre 2023, introduit son propos concernant les deux magistrates nouvellement installées par des considérations inappropriées.
Ce discours publié sur le site intranet du tribunal n’a eu d’écho ni dans la presse ni au sein de la juridiction.
L’atteinte à l’image de l’institution judiciaire n’est dès lors pas avérée et les propos, pour maladroits et inadaptés qu’ils soient, ne caractérisent pas un manquement au devoir de délicatesse.
Sur la sanction
Le Conseil relève que M. X, qui a débuté sa carrière dans la juridiction de XX en 2000, y a exercé des fonctions de magistrat du parquet durant près de 19 ans. Cette absence de mobilité géographique, qui a certes été accentuée par une nouvelle nomination en 2016 dans la juridiction de XX et s’est prolongée en raison de la durée de la procédure infra-disciplinaire mise en œuvre, a pu favoriser la perte de repères déontologiques chez M. X.
Les manquements disciplinaires en cause ont été réitérés sur plusieurs années à l’égard d’une multiplicité de jeunes femmes auprès desquelles le magistrat a travaillé.
Pour autant, M. X, dont les aptitudes professionnelles sont reconnues par ses évaluateurs successifs, semble avoir pris la mesure de la gravité de ses agissements, ainsi qu’en témoignent le suivi thérapeutique mis en place et les regrets exprimés.
Ainsi, le Conseil est d’avis que la sanction disciplinaire de l’abaissement d’un échelon assorti du déplacement d’office est adaptée pour sanctionner les manquements relevés.
PAR CES MOTIFS
La formation de discipline des magistrats du parquet, statuant en matière disciplinaire,
Siégeant, après rejet de la demande tendant à la non-publicité des débats, en audience publique le 3 juin 2025, pour les débats, et statuant le 1er juillet 2025, après en avoir délibéré à huis clos, hors la présence de M. Patrick Wachsmann, par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;
Emet l’avis de prononcer à l’égard de M. X la sanction de l’abaissement d’un échelon assorti du déplacement d’office ;
Dit que le présent avis sera adressé, pour son information, à M. X par la voie hiérarchique, à sa défenseure et ses conseils par la voie numérique et qu’il sera transmis au garde des sceaux, ministre de la justice.
Rappelle que le présent avis n’est susceptible d’aucun recours.
La secrétaire générale adjointe
Sarah Salimi |
Le Président
Rémy Heitz |