Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
24/06/2014
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de loyauté à l’égard des supérieurs hiérarchiques, Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des auxiliaires de justice, devoir de probité
Avis
Révocation
Mots-clés
Dignité
Probité
Institution judiciaire (confiance)
Loyauté
Révocation
Fonction
Substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance
Résumé
Le fait pour le magistrat d’avoir persisté dans une attitude négligente et désinvolte, notamment au regard de ses obligations liées à l’exercice de son ancien métier d’avocat, en contractant de nombreuses dettes d'impayés, ce qu'elle avait dissimulé lors de sa procédure d'intégration dans la magistrature, caractérise de sa part, outre un défaut du sens des responsabilités et une probité sujette à caution, un comportement contraire aux devoirs de l’état de magistrat et à l’obligation de respecter la loi et les décisions de justice. Les agissements de l'intéressé ont en outre porté atteinte au crédit de l’institution judiciaire, notamment à l’égard des auxiliaires de justice.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Formation compétente pour la discipline
des magistrats du parquet

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, réunie le 3 juin 2014, à la Cour de cassation, 5 quai de l'Horloge, Paris 1er,

La direction des services judiciaires étant représentée par Madame Valérie Delnaud, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Madame Hélène Volant, magistrate à cette direction ;
Madame X, substitute du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx, étant assistée de Maître A, avocat au barreau de xxxxx ;

Vu l'article 65 de la Constitution ;
Vu les articles 43 à 66 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu l’article 19 de la loi organique n°94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n°94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la saisine du garde des sceaux en date du 8 février 2013 et les pièces y annexées, saisissant pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l'encontre de Madame X, substitute du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet ;
Vu la désignation, en qualité de rapporteur, de Monsieur Bertrand Mathieu, membre du Conseil, par décision du Président de la formation, en date du 26 février 2013 ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de Madame X, mis préalablement à sa disposition, de même qu’à celle de son conseil ;
Vu l'ensemble des pièces jointes au dossier au cours de la procédure ;
Vu le rapport du 4 décembre 2013 déposé par Monsieur Mathieu, dont Madame X et son conseil ont reçu copie ;
Vu la convocation adressée le 15 avril 2014 à Madame X et sa notification à l'intéressée le 2 mai 2014 ;
Vu la convocation adressée le 15 avril 2014 à Maître A ;
Vu le rappel, par Monsieur le Président de la formation, des termes de l’article 57 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : « L’audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l’ordre public ou de la vie privée l’exigent, ou s’il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l’accès de la salle d’audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l’audience, au besoin d’office, par le conseil de discipline » et l’absence de demande spécifique formulée en ce sens par Madame X et son conseil, conduisant à tenir l’audience publiquement.
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L'affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2014 à l'issue des débats qui se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le 3 juin 2014, au cours desquels Madame X a comparu assistée de son conseil.
A l’ouverture des débats, Madame X, assistée de son conseil, a indiqué être en arrêt-maladie depuis le 8 novembre 2013, cet arrêt ayant été prolongé jusqu’au 6 juillet 2014 et accepté de comparaître, ce jour, devant le Conseil.
Madame Delnaud et Madame X, assistée de son conseil, ont ensuite indiqué ne pas avoir d’observations à formuler à ce stade de l’audience quant à la saisine du Conseil.
Monsieur Mathieu a ensuite présenté son rapport préalablement communiqué aux parties, qui ont acquiescé à ce qu’il ne soit pas intégralement lu à l’audience. Madame X, assistée de son conseil, a été interrogée sur les faits dont le Conseil est saisi et a fourni ses explications. Madame Delnaud a présenté ses observations tendant à la révocation de Madame X. Après avoir entendu Maître A en sa plaidoirie, Madame X a eu la parole en dernier.

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Aux termes de la saisine du garde des sceaux du 8 février 2013, il est reproché à Madame X :

- D’avoir contracté des dettes, même antérieurement à son intégration dans la Magistrature, dont la nature – violation de ses obligations contractuelles, notamment d’employeur – et l’ampleur ont conduit à l’engagement d’une procédure disciplinaire par l’ordre des avocats, d’une procédure de liquidation judiciaire par le parquet du ressort dans lequel elle accomplissait son stage préalable, de procédures civiles par ses créanciers ;

- D’avoir dissimulé cette situation lors de la procédure d’intégration directe ;

- De ne pas s’être présentée lors des audiences judiciaires et disciplinaires où elle était dûment convoquée, de ne pas avoir tenu les engagements transactionnels pris et de ne pas avoir exécuté les décisions de justice rendues.

Il ressort des pièces de la procédure que Madame X, qui exerçait la profession d’avocat, a bénéficié en juin 2011 d’un avis favorable de la commission d’avancement à son intégration directe dans la magistrature sous réserve de l’accomplissement d’un stage probatoire qu’elle a effectué au tribunal de grande instance de xxxxx entre le 10 octobre 2011 et le 30 mars 2012. A l’issue de ce stage, la commission d’avancement, lors de sa séance du 8 au 14 juin 2012, a rendu un nouvel avis favorable à son intégration directe. Madame X a été nommée, par décret du 21 août 2012, substitute du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx, le décret précisant qu’elle devait effectuer, préalablement à son installation, une période de formation de six mois.

Débutant son stage préalable le 3 septembre 2012 au tribunal de grande instance de xxxxx, Madame X devait l’achever à compter du 2 janvier 2013 à xxxxx. Toutefois, en raison de la découverte des différents faits fondant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, la direction de l’Ecole nationale de la magistrature a modifié le lieu de stage de Madame X, le fixant au tribunal de grande instance de xxxxx, pour la période du 7 janvier 2013 au 22 février 2013.

1.- Sur le grief de dettes contractées par Mme X, même antérieurement à l’intégration dans la Magistrature, dont la nature – violation d’obligations contractuelles, notamment d’employeur – et l’ampleur ont conduit à l’engagement d’une procédure disciplinaire par l’ordre des avocats, d’une procédure de liquidation judiciaire par le parquet du ressort dans lequel elle accomplissait son stage préalable et de procédures civiles par ses créanciers

Il résulte des pièces de la procédure et des débats que Madame X a fait l’objet de plusieurs procédures :

-La décision du 25 juillet 2012 du bâtonnier de l’ordre des avocats de xxxxx relative à une non-rétrocession d’honoraires

Maître B, collaboratrice de Madame X, a saisi la commission « collaboration » du barreau de xxxxx, suite au non-paiement de ses rétrocessions d’honoraires, entre août 2011 et janvier 2012, alors qu’elle avait déclaré sa grossesse fin juin 2011 et que son congé maternité avait débuté le 24 janvier 2012.

A la suite du non-respect, par Madame X, d’un protocole transactionnel accepté lors d’une audience de conciliation de la commission « collaboration » du barreau de xxxxx du 6 avril 2012, Maître B a saisi le bâtonnier qui a, le 25 juillet 2012, par une décision devenue définitive, relevé que « les manquements du cabinet X aux obligations contractuelles et déontologiques les plus élémentaires sont graves et justifient la résolution du contrat de collaboration à ses torts exclusifs ». Prononçant la rupture du contrat de collaboration, le Bâtonnier a condamné Madame X à verser à Maître B la somme de 24 807, 55 euros, composée de 8 967, 48 euros au titre de l’indemnité compensatrice, 1 745, 51 euros au titre d’une indemnité compensatrice de repos et 14 094, 56 euros au titre de rétrocession d’honoraires dus.

Madame X a expliqué devant le rapporteur qu’elle avait contesté le principe des sommes auxquelles elle avait été condamnée. Elle précisait ne pas avoir respecté le protocole transactionnel du 6 avril 2012 en prenant la mesure, au retour de son stage probatoire, du comportement de sa collaboratrice qui aurait, selon elle, détourné une partie de la clientèle.

Toutefois, dans sa décision du 25 juillet 2012, le bâtonnier de l’ordre des avocats a répondu à cette argumentation en considérant que « les reproches énoncés à l’encontre de Maître B ne sont pas établis dans des termes permettant de légitimer une rupture du contrat de collaboration pendant la période de protection ou un défaut de règlement de la rétrocession d’honoraires, et ceci d’autant plus qu’elle n’a pas mis fin au contrat en s’emparant de ces motifs. Quoi qu’il en soit, cela ne saurait justifier une sanction pécuniaire rétroactive ».

Il est ainsi établi que Madame X a accumulé ces dettes, entre août 2011 et janvier 2012, alors qu’elle effectuait son stage probatoire au sein du tribunal de grande instance de xxxxx, d’octobre 2011 à mars 2012.

*La décision du tribunal de grande instance de xxxxx en date du 3 novembre 2011 concernant la dette de Madame X envers le GIE CREPA

Par exploit du 12 avril 2011, le GIE CREPA, institution de prévoyance des avocats régie par le code de la sécurité sociale, a assigné Madame X devant le tribunal de grande instance de xxxxx aux fins notamment de la voir condamner au versement de cotisations impayées.

Le tribunal, jugeant que Madame X était redevable de cotisations impayées du 3ème trimestre 2006 au 12 avril 2011, l’a condamnée, le 3 novembre 2011, notamment au paiement de la somme de 17 684 euros ainsi qu’à la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A l’audience du Conseil, Madame X a reconnu être redevable de cotisations non versées mais elle en a contesté le quantum.

Le 3 novembre 2011, Madame X exécutait son stage probatoire au sein du tribunal de grande instance de xxxxx.

Il résulte, au surplus, d’un rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx du 19 octobre 2012 que le GIE CREPA a déposé une plainte au parquet de xxxxx contre Madame X le 6 avril 2011, en raison de l’existence de précomptes salariaux non réglés pour un montant de 5 078, 95 euros, ladite plainte étant classée sans suite le 6 septembre 2011 au profit de la voie civile. Il résulte du même rapport que le 22 juin 2011, la CREPA adressait au parquet de xxxxx une nouvelle plainte faisant état de non-paiement des précomptes salariaux et précisant que ceux concernant l’année 2011 n’avaient pas non plus été payés, ce qui portait le montant dû à 5 892 euros.

*Sur la décision du tribunal de grande instance de xxxxx en date du 24 septembre 2012 concernant la dette de Madame X envers la C

Le 26 avril 2012, Madame X a été assignée devant le tribunal de grande instance de xxxxx par la société C, pour avoir cessé, depuis le 29 août 2008, le règlement de ses factures d’abonnement. L’assignation précisait que Madame X n’avait pas procédé à la résiliation de ses abonnements aux Jurisclasseurs alors qu’il ressortait de ses relevés de consommation qu’elle avait continué à utiliser son abonnement jusqu’en mai 2011 et que les démarches amiables tendant à obtenir le règlement de cette somme étaient demeurées vaines.

Le tribunal de grande instance de xxxxx l’a condamnée le 24 septembre 2012 à payer à la C la somme de 10 828, 78 euros, correspondant à quatre factures impayées, de même qu’à la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Or, il apparaît qu’à cette date, Madame X avait débuté son stage préalable au sein du tribunal de grande instance de xxxxx.

Madame X a expliqué à l’audience avoir demandé à sa secrétaire de résilier l’abonnement en raison de son intégration dans la magistrature. Selon elle, l’abonnement avait été utilisé malgré cette demande. Toutefois, ces propos sont en contradiction avec le fait que Madame X a cessé de payer l’abonnement en août 2008, soit bien antérieurement à l’intégration dans la magistrature.

*Sur l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de Madame X au regard de ses dettes en tant qu’avocat

Par requête en date du 28 août 2011, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx a demandé l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de Madame X pour son activité libérale, au regard de la condamnation du 3 novembre 2011 du tribunal de grande instance de xxxxx au paiement de la somme de 17 684, 61 euros à la demande du GIE GREPA. Constatant l’état de cessation des paiements à compter du 11 juin 2011, la chambre des procédures collectives du tribunal de grande instance de xxxxx a, lors de l’audience du 11 décembre 2012, prononcé la liquidation judiciaire simplifiée.

*Sur la procédure disciplinaire engagée par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de xxxxx à l’encontre de Madame X

Le 10 septembre 2012, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de xxxxx a avisé le procureur général près la cour d’appel de xxxxx de l’exercice d’une action disciplinaire à l’encontre de Madame X concernant notamment le dossier GREPA et le litige ayant opposé l’intéressée à Maître B. Par une décision du 10 avril 2013, le Conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d’appel de xxxxx a prononcé à l’encontre de Madame X, la sanction du blâme.

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De l’ensemble des éléments décrits précédemment, il est établi que Madame X a accumulé des dettes, antérieurement ou concomitamment à son intégration dans la magistrature. Elle a expliqué devant le Conseil que la responsabilité en incombait principalement à l’ordre des avocats, qui, malgré ses deux demandes successives, ne l’avait pas omise du tableau, ce qui avait aggravé sa situation.

Toutefois, il résulte des éléments du débat que Madame X a commencé à contracter des dettes à l’endroit du GIE GREPA, non à partir du moment où elle a été en phase d’intégration dans la magistrature, mais à compter de l’année 2006. Il en est de même pour les dettes à l’égard de la société C, contractées depuis 2008.

Madame X a ainsi laissé s’établir une situation qui a, compte tenu de l’ampleur des dettes, conduit à l’engagement d’une procédure disciplinaire par l’ordre des avocats, d’une procédure de liquidation judiciaire et de procédures civiles par ses créanciers.

2.- Sur le fait d’avoir dissimulé sa situation lors de la procédure d’intégration directe

Dans sa demande d’intégration directe dans le corps judiciaire en date du 20 septembre 2010, Madame X n’a fait part d’aucun élément particulier sur sa situation financière alors que, depuis le 3ème trimestre 2006, des cotisations demeuraient impayées, et que des sommes restaient dues à la société C.

Elle ne faisait pas davantage état de ces éléments lors des entretiens qu’elle avait, le 13 décembre 2010, avec les chefs de juridiction du tribunal de grande instance de xxxxx, puis avec les chefs de la cour d’appel de xxxxx le 17 février 2011, et, enfin, le 21 juin 2011, avec deux rapporteurs de la commission d’avancement saisie de la demande d’intégration.

A la suite de la plainte déposée, le 6 avril 2011, par le GIE GREPA auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx, pour défaut de règlement de précomptes salariaux, pour un montant de 5 078, 95 euros, Madame X était entendue le 9 août 2011 par la brigade de gendarmerie de xxxxx. Or, Madame X, même si elle a contesté le montant des sommes réclamées, n’a donné aucune information sur cette procédure aux autorités en charge de la procédure d’intégration.

En ce qui concerne la procédure ayant donné lieu à la décision du tribunal de grande instance de xxxxx en date du 3 novembre 2011 portant sur la dette de Madame X envers le GIE CREPA, il est établi que Madame X n’a informé ni la commission d’avancement ni les chefs de juridiction du tribunal de grande instance de xxxxx où elle effectuait son stage. Madame X devait indiquer le 11 décembre 2012, lors de l’audience des procédures collectives du tribunal de grande instance de xxxxx, qu’elle n’avait pas pu faire appel du jugement qui avait été signifié à son cabinet car sa secrétaire ne le lui avait pas remis. En tout état de cause, les dettes dues par Madame X envers le GIE GREPA datant de 2006, l’intéressée ne pouvait ignorer qu’elles étaient susceptibles d’être réclamées. Madame X a, dans ces conditions, sciemment dissimulé ses difficultés financières.

S’agissant de la procédure ayant donné lieu à la décision du 25 juillet 2012 du Bâtonnier de l’ordre des avocats de xxxxx relative à l’absence de rétrocession d’honoraires à Maître B, il apparaît que le 6 avril 2012, Madame X avait été reçue en audience de conciliation alors qu’elle venait d’achever son stage probatoire au tribunal de grande instance de xxxxx. La décision du 25 juillet 2012 souligne, en outre, le fait que Madame X ne s’est pas présentée à l’audience, initialement fixée au 25 juin 2012, reportée au 3 juillet 2012 à la demande de Madame X qui avait fait part de son indisponibilité.

Ainsi, alors que la commission d’avancement devait rendre un avis favorable définitif à l’intégration lors de la séance tenue entre le 8 et le 14 juin 2012 et après avoir auditionnée Madame X le 23 mai 2012, l’intéressée tenait volontairement les membres de la commission d’avancement ainsi que les responsables de son stage dans l’ignorance de cette procédure.

Enfin, pour ce qui concerne la procédure ayant donné lieu à la liquidation judiciaire simplifiée, il résulte du rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx du 19 octobre 2012 que lors de l’audience du 9 octobre 2012, et bien que régulièrement citée, Madame X ne s’était pas présentée mais avait mandaté un conseil qui a admis le principe de la dette de la CREPA ainsi que l’existence de difficultés financières. Lors de l’audience de renvoi du 11 décembre 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire simplifiée, Madame X était présente.

Il est établi que Madame X n’a pas informé les chefs de juridiction du tribunal de grande instance de xxxxx, où elle effectuait son stage préalable, de cette procédure.

Il en est de même de la procédure ayant donné lieu à la décision du tribunal de grande instance de xxxxx en date du 24 septembre 2012 concernant une dette de Madame X envers la C. Le tribunal a statué par décision réputée contradictoire, Madame X n’étant ni comparante, ni représentée, bien que l’assignation ait été régulièrement remise à sa secrétaire, un avis de passage ayant en outre été laissé. Madame X a affirmé à l’audience ne pas avoir été informée de cette procédure en raison de la carence de sa secrétaire, sans apporter d’autre élément à l’appui de cette allégation.

En tout état de cause, les dettes contractées par Madame X envers la C datant de 2008, l’intéressée ne pouvait ignorer qu’elles seraient susceptibles d’être réclamées.

Il est ainsi établi que tout au long de la procédure d’intégration dans la magistrature, Madame X a sciemment dissimulé l’ensemble de ses difficultés financières, ainsi que les procédures dont elle était l’objet.

Il résulte ainsi d’un rapport du 5 novembre 2012 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de xxxxx que Madame X devait faire part de « grosses difficultés personnelles qui, selon elle, perturbaient le bon déroulement de son stage ». Or, il n’apparaît pas que Madame X ait fait part, au cours de cet entretien où elle évoquait avec le procureur de la République ses difficultés d’ordre personnel, de procédures la concernant et résultant des dettes qu’elle avait contractées. Lors de l’audience du Conseil, Madame X a admis qu’elle aurait dû parler de ses difficultés à ce moment.

Le fait pour Madame X d’avoir, dans ces conditions, dissimulé sa situation lors de la procédure d’intégration directe, en n’informant ni la commission d’avancement ni davantage ses responsables de stage, caractérise un manquement aux devoirs de dignité et de loyauté relevant de l’état de magistrat.

3.- Sur le fait de ne pas s’être présentée lors des audiences judiciaires et disciplinaires où elle était dûment convoquée, de ne pas avoir tenu les engagements transactionnels pris et de pas avoir exécuté les décisions de justice rendues

Il résulte des éléments précités qu’au titre du litige l’opposant à Maître B, Madame X n’a pas respecté le protocole transactionnel, prévoyant que Madame X devait s’acquitter de la somme de 17 094, 56 euros en cinq mensualités. Alors qu’au 10 mai 2012, seul un virement de 3000 euros était intervenu, la plaignante était contrainte de saisir le bâtonnier. En outre, alors qu’une audience était fixée le 25 juin 2012 devant le bâtonnier, celle-ci était reportée à la demande de Madame X au 3 juillet 2012, date à laquelle l’intéressée ne se présentait pas, ni ne se faisait représenter.

A la suite de l’assignation du GIE GREPA, Madame X n’a pas non plus comparu à l’audience du 22 septembre 2011, ni à celle de renvoi du 3 novembre 2011, alors que selon les termes du rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx du 21 décembre 2012, elle avait indiqué lors de l’enquête pénale résultant de la plainte du GIE GREPA qu’elle apporterait des éléments utiles au débat.

Madame X ne se présentait pas davantage à l’audience du 28 juin 2012 du tribunal de grande instance de xxxxx saisi du non-paiement de la créance de 10 828, 78 euros correspondant à des abonnements aux Jurisclasseurs, bien qu’elle ait été régulièrement citée. Le Conseil n’estime pas établie l’absence d’information sur la tenue de cette audience alléguée par Madame X.

Il résulte en outre du rapport du procureur général près la cour d’appel de xxxxx du 21 décembre 2012 que lors de l’audience des procédures collectives du tribunal de grande instance de xxxxx du 9 octobre 2012, Madame X ne se présentait pas mais mandatait un conseil qui admettait le principe de la dette du GREPA. A la seconde audience des procédures collectives du tribunal de grande instance de xxxxx du 11 décembre 2012, Madame X comparaissait seule, contestant une partie du passif et formulant son souhait de le rembourser, tout en précisant ne pas avoir encore été en mesure de souscrire un prêt.

A la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de Madame X, à l’issue du jugement du 11 décembre 2012, il résulte d’un rapport du 13 février 2013 du mandataire judiciaire que Madame X ne s’était pas encore présentée à son étude et n’avait remis aucun des éléments nécessaires au traitement de son dossier de liquidation judiciaire. Le mandataire précisait que les lettres adressées revenaient avec la mention « non réclamé ».

Il résulte en conséquence de l’ensemble de ces éléments que Madame X ne s’est pas présentée lors des audiences judiciaires et disciplinaires où elle était dûment convoquée, n’a pas tenu les engagements transactionnels pris et n’a pas exécuté les décisions de justice rendues à son encontre.

Le fait pour Madame X d’avoir persisté dans cette attitude négligente et désinvolte, notamment au regard de ses obligations liées à l’exercice de son métier d’avocat, caractérise de sa part, outre un défaut du sens des responsabilités et une probité sujette à caution, un comportement contraire aux devoirs de l’état de magistrat et à l’obligation de respecter la loi et les décisions de justice.

Les agissements de Madame X ont en outre porté atteinte au crédit de l’institution judiciaire, notamment à l’égard des auxiliaires de justice.

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Les griefs ainsi caractérisés permettent d’établir que Madame X ne présente pas les qualités de dignité, de probité et de loyauté exigées pour l’exercice des fonctions de magistrat.

Ses agissements sont incompatibles avec les devoirs de l’état de magistrat. Par leur nature, ils portent une atteinte grave et durable au crédit et à l’image de l’institution judiciaire. S’ils avaient été connus lors de la demande d’intégration directe formée par Madame X, ils auraient, vraisemblablement, fait obstacle à son admission dans la magistrature.

Le Conseil estime, dans ces conditions, qu’il y a lieu d’écarter définitivement Madame X de l’exercice de toute fonction judiciaire.
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PAR CES MOTIFS,
Après en avoir délibéré à huis clos, et hors la présence de Monsieur Bertrand Mathieu, rapporteur désigné ;
Emet l’avis de prononcer à l’encontre de Madame X la sanction, prévue à l’article 45, 7° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, de la révocation ;
Dit que le présent avis sera transmis au garde des sceaux et notifié à Madame X par les soins du secrétaire soussigné.
Fait et délibéré à Paris, le 24 juin 2014