Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
22/11/2011
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat, Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Avis
Retrait des fonctions de substitut du procureur de la République et de substitut placé auprès d'un procureur général près une cour d'appel
Déplacement d'office
Décision Garde des sceaux
Déplacement d’office
Mots-clés
Alcool
Arrêt maladie
Avertissement
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Complément d'expertise
Condamnation pénale
Déplacement d'office
Discernement (altération)
Expertise médicale
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Poursuites disciplinaires (complément d'expertise)
Procédures disciplinaires (mesure d'instruction)
Procédure pénale
Rejet (demande de renvoi)
Retrait des fonctions
Substitut du procureur de la République
Fonction
Substitut du procureur de la République
Résumé
Interpellation d’un substitut du procureur de la République, alors en arrêt de travail, pour défaut de port de la ceinture et de conduite en état alcoolique dans le ressort du tribunal dans lequel il exerce ses fonctions et poursuites pénales engagées de ces chefs.
Décision(s) associée(s)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, siégeant à la Cour de cassation, 5 quai de l’Horloge, Paris 1er, composée de :

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée ;

Vu l’arrêté du 20 septembre 2010 de M. le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, interdisant temporairement à M. X d’exercer les fonctions de substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de ?. ;

Vu la dépêche de M. le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, en date du 22 octobre 2010 et ses pièces annexées, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l’encontre de M. X ;

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de M. X , mis préalablement à sa disposition ;

Vu l’ensemble des pièces produites et jointes au dossier au cours de la procédure et à l’audience ;

L’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre 2011 à l’issue des débats qui se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le 7 novembre 2011, au cours de laquelle M. X a comparu, assisté de Me A, avocate au barreau de .... et de M. B , magistrat.

A l’ouverture des débats, Me A a déposé des pièces complémentaires qui ont été portées à la connaissance du Conseil et de la direction des services judiciaires représentée à l’audience par Mme Isabelle MONTAGNE, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Mme Hélène VOLANT, magistrate à cette direction, et a sollicité une mesure d’instruction ; après avoir entendu Mme Isabelle MONTAGNE, M. X ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré.

A la reprise des débats, M. Christophe VIVET, rapporteur, a procédé à la lecture de son rapport.

M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications.

Mme Isabelle MONTAGNE a été entendue et a présenté ses demandes.

M. X , assisté de Me A et de M. B, a été entendu en sa défense et a eu la parole en dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant été assurés.

- Sur la procédure

Vu la demande, soutenue à l’audience, de Me A, avocate au barreau de .... assistant M. X , présentée par lettre en date du 11 octobre 2011, reçue au secrétariat du Conseil supérieur de la magistrature le 13 octobre 2011, sollicitant que soit ordonné un complément d’expertise psychiatrique confié au Professeur C, aux motifs que les conclusions du rapport en date du 25 février 2011 invitaient à une réévaluation de la situation psychiatrique de M. X dans un délai de six à douze mois.

Le Conseil, après en avoir délibéré, décide qu’il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments de la procédure avant de statuer sur cette demande et dit n’y avoir pas lieu à surseoir à statuer.

***
- Sur le fond

Aux termes de la saisine du 22 octobre 2010, M. X , substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance ...., alors en arrêt de travail, a été interpellé par les services de police du commissariat central de cette ville pour des faits de conduite en état alcoolique avec un taux de 0, 73 milligramme par litre d’air expiré et de défaut de port de la ceinture et a été condamné par le tribunal de grande instance de ..., le 5 octobre 2010, au terme d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, à la peine de deux mois d’emprisonnement assortis du sursis, de cinq mois de suspension du permis de conduire et de cent euros d’amende au titre de la contravention connexe.

M. X a reconnu les faits et a expliqué au Conseil les avoir commis au cours d’une période de dépression qu’il lui arrivait de traverser et durant lesquelles il s’alcoolisait occasionnellement et qu’il contestait seulement devant le Conseil de la sanction susceptible de lui être appliquée. Il a également indiqué au Conseil souffrir d’une maladie de type psychiatrique, entraînant des épisodes d’alcoolisation, pour laquelle il fait l’objet d’un suivi médical.

L’appréciation par le Conseil du niveau de la sanction disciplinaire applicable aux faits reprochés à M. X doit aussi doit tenir compte des conclusions de l’expertise psychiatrique selon lesquelles lors de la commission des faits, le 23 juillet 2010, le discernement et le contrôle de ses actes par M. X , survenus dans le cadre d’une alcoolisation aiguë, étaient altérés.

Cependant, le Conseil a noté que le comportement de M. X s’inscrit dans une habitude d’intempérance, dont la persistance et le retentissement professionnel sont relevés depuis 2000 dans son dossier administratif. Figure en outre à la procédure disciplinaire un rapport du procureur général près la Cour d’appel de ... dont il résulte que M. X a été trouvé ivre, le 4 janvier 2011, sur la voie publique.

L’expertise mentionnée ci-dessus conclut enfin que l’état de santé de M. X n’est pas compatible avec l’exercice de ses fonctions sauf à envisager un reclassement dans un cadre professionnel protégé.

Or, il résulte des pièces de la procédure, confirmées par les déclarations faites à l’audience que M. X , au moment de la commission des faits, bénéficiait déjà de mesures d’aménagement dans l’exercice de ses fonctions et d’un service adapté, l’exemptant notamment de tout service de permanence. Malgré l’aide apportée par le chef du service civil et du procureur de la République, M. X n’avait pas atteint le niveau d’expertise exigé par les fonctions qui lui avaient été assignées. Il avait en outre désorganisé ce service par de nombreuses périodes d’absences inopinées.

En définitive, les faits reprochés à M. X caractérisent pour le Conseil un manquement grave et réitéré aux devoirs de l’état de magistrat, à la dignité et à l’honneur qui s’attachent à ces fonctions et ont porté atteinte à l’image de l’institution judiciaire.

Ce comportement, manifesté dans le ressort même où l’intéressé exerce ses fonctions est, en outre, de nature à lui faire perdre toute autorité dans ses relations professionnelles et à l’égard des justiciables.

Il est apparu au Conseil que M. X n’était pas en mesure de reprendre ses fonctions de magistrat du parquet en juridiction dans des conditions satisfaisantes au regard d’une bonne administration de la Justice. Il y a lieu toutefois de tenir compte de l’altération de son discernement dans la présente affaire et en conséquence de ne pas l’exclure définitivement de l’exercice de toute fonction de magistrat.

- Sur la demande de complément d’expertise, dont l’examen à été joint au fond

Aux termes des débats, le Conseil considère qu’il possède, dans les pièces de la procédure et à l’issue de l’audience, tous les éléments d’appréciation, précis et circonstanciés pour lui permettre de se prononcer sur les faits reprochés à l’intéressé et sur le niveau de la sanction à lui appliquer.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à cette demande, d’autant que le complément d’expertise sollicité ne serait utile que pour déterminer le service que l’intéressé serait éventuellement susceptible de reprendre, prérogative qui n’appartient pas au Conseil saisi à titre disciplinaire

En conséquence, le Conseil est d’avis de retirer à M. X les fonctions de ministère public près une juridiction.

PAR CES MOTIFS,

Dit n’y avoir lieu à sursis à statuer ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi aux fins de complément d’expertise ;

EMET L’AVIS de prononcer contre M. X la sanction prévue à l’article 45 3? de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée de retrait des fonctions de substitut du procureur de la République et de substitut placé auprès d’un procureur général près une Cour d’appel, assortie, en application de l’article 46 de ladite ordonnance, du déplacement d’office;

Dit que le présent avis sera transmis à M. le garde des Sceaux et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné ;