Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
11/07/2007
Avis
Non-lieu à sanction
Décision Garde des sceaux
Conforme
Mots-clés
Vie privée
Alcool
Troubles du voisinage
Greffe
Gestes déplacés
Propos déplacés
Mise en examen
Violence
Arme
Expertise psychiatrique
Etat psychiatrique
Discernement (abolition)
Non-lieu à sanction
Substitut général
Fonction
Substitut général
Résumé
Incidents divers causés par un magistrat en état d’ébriété : tapage nocturne, gestes et propos déplacés envers une greffière, tenue de propos incohérents et agressifs à la cour d’appel. Mise en examen du magistrat des chefs de violences volontaires avec arme et port d’arme illicite, pour avoir adopté un comportement grossier et menaçant et exhibé une arme blanche au cours d’une réception, et de violences volontaires avec arme sur une personne dépositaire de l’autorité publique, pour avoir insulté des policiers intervenants à son domicile et porté un coup d’épée au thorax de l’un d’eux. Expertises psychiatriques concluant à l’abolition du discernement du magistrat
Décision(s) associée(s)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet ;

Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée ;

Vu l’arrêté du 28 juillet 2006 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, interdisant temporairement à M. X d’exercer les fonctions de substitut du procureur général près la cour d’appel de … ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général près la Cour de cassation, en date du 15 septembre 2006 et ses pièces annexées, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires diligentées à l’encontre de M. X ;

Vu les dossiers disciplinaire et administratif de M. X, mis préalablement à sa disposition ;

Vu l’ensemble des pièces produites et jointes au dossier ;

- Sur la demande de non publicité des débats

Considérant que M. X a sollicité à l’ouverture des débats que la réunion du Conseil supérieur de la magistrature ne se tienne pas publiquement, au motif que les éléments évoqués au cours de cette séance concerneraient sa situation médicale et sa vie privée ;

Considérant que la parole a été donnée à M. …, avocat général près la cour d’appel de …, assistant M. X ; qu’après avoir entendu M. Pierre Bigey, sous-directeur de la magistrature, suppléant M. le directeur des services judiciaires, empêché, assisté de Mme Florence Butin, magistrat de cette direction, M. X a eu la parole en dernier ;

Considérant, après en avoir délibéré, que ni la protection de l’ordre public, ni celle de la vie privée, ni aucune circonstance spéciale de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, ne justifient une telle exception au principe de publicité de la séance du Conseil ;

A la reprise des débats, M. Jean-Pierre Dreno, rapporteur, a lu son rapport ; M. X a été interrogé, M. Pierre Bigey, puis M. … ont été entendus, la parole ayant été donnée en dernier à M. X ; l’affaire a été mise en délibéré ;

- Sur le fond

Par dépêche du 15 septembre 2006, le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente pour la discipline des magistrats du parquet, des faits suivants imputés à M. X :
- dans la soirée du 28 mai 2006, à la demande de voisins incommodés par le tapage provenant du logement de M. X, des policiers se sont rendus sur place ; à leur arrivée, les agents ont constaté qu’un désordre anormal régnait dans l’appartement et que M. X, manifestement ivre et s’exprimant en allemand, « ne paraissait pas jouir de toutes ses facultés mentales » ;
- le 29 mai 2006, M. X s’est présenté à la cour d’appel de … « dans un état particulier de surexcitation et d’alcoolisation », a eu des gestes et des paroles déplacés à l’égard d’une greffière puis a répondu aux remarques qui lui étaient adressées en tenant des propos incohérents et agressifs ;
- le 18 juin 2006, au cours d’une réception, il a eu une attitude déplacée, se serait comporté de façon grossière et menaçante et aurait exhibé une arme blanche avant d’être maîtrisé par deux personnes et contraint par celles-ci à quitter les lieux ;
- dans la nuit du 15 au 16 juillet 2006, à nouveau requis par les voisins faisant état de cris émanant des parties communes de l’immeuble, les policiers intervenants ont été insultés par M. X, qui a ensuite porté un coup d’épée au thorax de l’un d’eux ;

M. X ayant été identifié comme magistrat, ou faisant état volontairement de cette qualité, ces comportements contreviennent, soutient le garde des sceaux, « aux devoirs de l’état de magistrat, à la délicatesse et à la dignité » ;

Considérant, s’agissant des faits des 28 et 29 mai 2006, que les experts psychiatres, commis le 4 avril 2007 par le rapporteur désigné dans la présente procédure disciplinaire, ont conclu leur mission le 7 mai 2007 en affirmant que « du fait de l’état maniaque dans lequel il se trouvait, M. X était atteint […] d’un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes » ;

Considérant que les faits des 18 juin et 16 juillet 2006 ont fait l’objet d’une procédure d’information, des chefs de violences volontaires avec arme n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, de port d’arme de la 6ème catégorie, et de violences volontaires avec arme suivies d’une incapacité totale de travail de moins de huit jours sur une personne dépositaire de l’autorité publique, violences volontaires sans incapacité de travail, avec arme et sur une personne dépositaire de l’autorité publique ;

Considérant que les experts psychiatres commis par le magistrat instructeur le 7 août 2006 ont indiqué dans leur rapport du 5 septembre 2006 que : « s’il s’est rendu coupable des faits […], M. X était atteint […] d’un trouble psychique et neuropsychique abolissant son discernement et le contrôle de ses actes au sens de l’article 122-1 alinéa 1 du code pénal » ; qu’en conséquence une ordonnance de non-lieu, devenue définitive, a été rendue au visa de l’article précité du code pénal ;

Considérant en outre qu’il a été placé sous sauvegarde de justice par ordonnance du 28 juillet 2006, puis sous curatelle simple le 13 décembre 2006, l’expert désigné par le juge des tutelles ayant indiqué qu’il présentait « une pathologie dysthymique à expression surtout maniaque […] » ;

Considérant que l’absence de discernement et de contrôle de ses actes s’oppose à ce qu’une faute disciplinaire soit imputée à M. X et que, par conséquent, soit prononcée à son encontre une sanction disciplinaire ;

Par ces motifs,

Émet l’avis qu’il n’y a pas lieu à sanction disciplinaire ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux et notifié à M. X par les soins du secrétaire soussigné.