Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
16/12/1997
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi)
Avis
Non-lieu à sanction
Décision Garde des sceaux
Conforme
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (composition de la formation de jugement)
Mobilier
Soustraction
Légalité
Non-lieu à sanction
Avocat général
Fonction
Avocat général
Résumé
Soustraction de mobilier du palais de justice

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu les articles 55 et 65 de la Constitution, ce dernier modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ;

Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;

Vu la dépêche en date du 26 mai 1997 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, saisissant cette formation pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, l’entier dossier ayant été mis à sa disposition ;

Vu le dossier administratif de M. X, également mis préalablement à sa disposition ;

Vu les débats qui se sont déroulés non publiquement, à la demande de l’intéressé, à la Cour de cassation, les vendredis 17 octobre et 28 novembre 1997, au cours desquels :

- M. X a comparu, assisté de Me Jean-Pierre Gastaud, avocat au barreau de Nice, de Me Didier Linotte, avocat au barreau de Nice, et de Me Francis Szpiner, avocat au barreau de Paris ;

- le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture de son rapport qui avait été antérieurement communiqué à tous ;

- M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. Y, président de la chambre d’accusation de la cour d’appel de V, Mme Y et Mme Z, greffiers en chef à ladite cour ont déposé en qualité de témoins, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes, Mes Gastaud, Szpiner et Linotte ont été entendus en leurs plaidoiries et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés ;

- l’affaire ayant ensuite été mise au délibéré au 16 décembre 1997 ;

Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la composition du Conseil supérieur de la magistrature

Considérant qu’il est soutenu par M. X que la composition du Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire serait irrégulière en ce que son président aurait connu, suivi et orienté les poursuites pénales le concernant lorsqu’il était procureur général près la cour d’appel de ... ;

Mais considérant qu’en conférant expressément au procureur général près la Cour de cassation et à lui seul la présidence de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière de discipline des magistrats du parquet, la Constitution n’a pas prévu qu’il puisse être remplacé ou que le Conseil statue hors sa présence, et ce pour quelque motif que ce soit ; qu’il s’en suit que le moyen soulevé est inopérant ;

Au fond

Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier qu’au début de la matinée du 10 mars 1994, M. Y, président de la chambre d’accusation de la cour d’appel de V, a informé son premier président qu’il avait aperçu, la veille au soir, alors qu’il passait avec son épouse à proximité du palais de justice, deux personnes qu’il n’avait pu identifier, placer dans une voiture dont il avait relevé l’immatriculation un fauteuil et un écritoire qu’une tierce personne retirait du palais de justice ;

Considérant que l’épouse de ce magistrat, Mme Y, greffier en chef à la cour d’appel, a indiqué, au cours de l’enquête et lors de son audition, qu’elle avait reconnu M. X comme étant la personne qui enlevait les deux meubles du palais ;

Considérant que Mme Z, également greffier en chef à la cour d’appel, a attesté que M. X, au cours de la matinée du 10 mars 1994, lui avait indiqué que son épouse avait, la veille au soir, pris par mégarde, au palais de justice, le fauteuil et l’écritoire litigieux et que, s’étant aperçu de cette erreur, il avait fait rapporter ces deux meubles le matin même ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que le véhicule remarqué par les époux Y avait été utilisé, dans la soirée du 9 mars, par Mme X pour se rendre au palais de justice avec son fils afin, dit-elle, d’y rechercher des éléments d’une bibliothèque que M. X avait été autorisé à prendre ;

Considérant que M. X, en revanche, nie qu’il se soit trouvé au palais de justice dans la soirée du 9 mars 1994 et que le fauteuil et l’écritoire aient été enlevés soit par lui-même, soit par les membres de sa famille ; qu’il allègue en particulier s’être rendu chez des amis pour y dîner au moment où son épouse et son fils se trouvaient au palais ;

Considérant, à cet égard, que les enquêtes auxquelles il a été procédé n’ont pas permis de déterminer avec un degré suffisant de certitude quel a été le rôle de M. X dans l’enlèvement des meubles litigieux ;

Considérant, en effet, que ce n’est qu’après hésitation que Mme Y a reconnu M. X parmi les personnes qui emportaient les deux meubles du palais de justice ; que, d’autre part, les déclarations faites par M. X à Mme Z et rapportées par celles-ci ne constituent pas l’aveu de ce qu’il aurait participé à leur enlèvement ;

Considérant que s’il ressort du dossier que l’attitude de M. X, au cours de la journée du 10 mars 1994, n’a pas été dénuée de réticences, de contradictions et d’ambiguïtés traduisant son embarras à reconnaître ce qu’il savait de la soustraction des deux meubles, il subsiste néanmoins, quelle qu’ait été la bonne foi des témoins entendus, un doute quant au rôle exact qui a été le sien lors de son déroulement ; que ce doute ne permet pas de tenir pour acquis que M. X a commis une faute disciplinaire ;

Par ces motifs,

Émet l’avis qu’il n’y a lieu à sanction ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.