Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
30/03/2006
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Abaissement d'échelon
Déplacement d'office
Mots-clés
Alcool
Retard
Absence
Incident
Troubles du comportement
Organisation du service
Image de la justice
Etat de magistrat
Fonctions
Probité
Dignité
Institution judiciaire (confiance)
Abaissement d'échelon
Déplacement d'office
Vice-président de tribunal de grande instance
Fonction
Vice-président de tribunal de grande instance
Résumé
Dépendance alcoolique d’un magistrat ayant donné lieu à des incidents répétés, à l’intérieur et à l’extérieur du palais de justice, et provoqué retards et perturbations dans le fonctionnement des services juridictionnels qui lui étaient attribués
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le garde des sceaux, ministre de la justice contre Mme X, vice-président au tribunal de grande instance de …, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, […] ;

Vu les articles 43 à 58 modifiés par l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la lettre adressée le 16 novembre 2005 au Conseil supérieur de la magistrature par le premier président de la cour d’appel de … dénonçant les faits motivants des poursuites disciplinaires contre Mme X, vice-président au tribunal de grande instance de …, ainsi que les pièces jointes à cette lettre ;

Vu la décision prise le 18 janvier 2006 par le Conseil supérieur de la magistrature, interdisant temporairement à Mme X l’exercice des fonctions de vice-président au tribunal de grande instance de …, jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;

Vu l’article 57 de l’ordonnance précitée n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifié par l’article 19 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature;

Vu la note et la pièce jointe déposée le 13 mars 2006 par …, conseiller à la Cour de cassation, qui assistait Mme X ;

Vu l’ordonnance du 2 décembre 2005 désignant M. Francis Brun-Buisson, en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre du 9 mars 2006 par laquelle Mme X a désigné Me …, avocat au barreau de … et …, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de … pour l’assister ;

Sur le rapport de M. Brun-Buisson dont Mme X a reçu copie ;

Après avoir entendu M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires du ministère de la justice, M. Brun-Buisson donner lecture de son rapport, Mme X en ses explications et moyens de défense, Me … en sa plaidoirie, Mme X ayant eu la parole en dernier ;

Après avoir entendu, à la demande de …, … médecin alcoologue ;

Attendu qu’aux termes de la dénonciation susvisée, sont reprochés à Mme X des incidents répétés, à l’intérieur et à l’extérieur du palais de justice de …, liés à l’absorption d’alcool et qui ont eu pour témoins des magistrats, des fonctionnaires du greffe, des policiers, des auxiliaires de justice et des justiciables ; que du fait de son état d’addiction, son travail s’est trouvé profondément affecté et qu’en sont résultés des retards et perturbations dommageables de sorte que, depuis le mois de novembre 2005, aucun service n’a pu lui être confié ;

Attendu que Mme X est, à compter du 11 octobre 2005, placée en congé pour longue maladie jusqu’au 10 juillet 2006 ;

Attendu que ne contestant pas la réalité des multiples incidents relatés dans l’acte de saisine, tous dus à la prise d’alcool, Mme X expose que son état d’addiction chronique, remontant aux années 1995 et 1996, ponctué de périodes d’abstinence entrecoupées de rechutes, est du à des difficultés familiales récurrentes aggravées par des situations professionnelles d’isolement ou de surcharge ;

Attendu qu’il résulte des pièces produites à l’appui des poursuites que, malgré de nombreuses hospitalisations, plusieurs cures de désintoxication, un suivi médical apparemment régulier, et en dépit du soutien de ses collègues et du président du tribunal où elle est nommée, Mme X ne s’est pas débarrassée de son appétence à l’alcool ; que par les perturbations qui en ont résulté dans le fonctionnement des services juridictionnels qui lui étaient attribués, un tel comportement, manifestement nuisible à l’autorité de la justice et contraire à la dignité, constitue un manquement aux devoirs de l’état de magistrat ;

Qu’en considération de sa situation actuelle, des efforts qu’elle a engagés pour se guérir, attesté par les documents médicaux qu’elle produit et le témoignage de … lui sera infligée la sanction mesurée de l’abaissement d’échelon assortie du déplacement d’office ;

Par ces motifs,

Statuant en audience publique du 22 mars 2006, pour les débats et le 30 mars 2006, date à laquelle la décision a été rendue ;

Prononce à l’encontre de Mme X la sanction disciplinaire de l’abaissement d’échelon assortie du déplacement d’office prévue par les articles 45, 2° et 4° et 46, alinéa 2, de l’ordonnance du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut des magistrats.