Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
12/12/1991
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (obligation de diligence), Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi)
Décision
Non-lieu à sanction
Mots-clés
Retard
Négligence
Légalité
Diligence
Non-lieu à sanction
Juge d'instruction
Fonction
juge d'instruction
Résumé
Retards dans le traitement de dossiers d’instruction et non-respect des délais prescrits par la loi pour l’accomplissement d’actes de procédure
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Drai, premier président de la Cour de cassation ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiés par les lois organiques n° 67-130 du 20 février 1967, n° 70-642 du 17 juillet 1970 et n° 79-43 du 18 janvier 1979 ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 15 janvier 1991, dénonçant au Conseil les faits motivant une poursuite disciplinaire contre M. X, juge d’instruction au tribunal de grande instance de V, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Vu le rapport, en date du 17 mai 1991, de M. Bacou, désigné par ordonnance du 26 février 1991 ;

Vu la décision du Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline, en date du 27 juin 1991, invitant M. Bacou à procéder à une enquête complémentaire ;

Sur le nouveau rapport établi par M. Bacou le 7 novembre 1991 ;

Après avoir entendu M. le directeur des services judiciaires ;

Après avoir entendu M. X en ses explications et moyens de défense ;

Après avoir entendu en leurs plaidoiries, Maître Maisonneuve, avocat à la cour d’appel de W, et Maître Saetelli, avocat à la cour d’appel de V ;

M. X ayant eu la parole le dernier ;

Statuant sur les faits dénoncés, le 15 janvier 1991 par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

A rendu la décision ci-après :

Attendu qu’aux termes du premier alinéa de l’article 43 de l’ordonnance du 23 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire » ;

Attendu que le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège ne peut porter une quelconque appréciation sur les actes juridictionnels des juges, lesquels relèvent du seul pouvoir de ceux-ci et ne sauraient être critiqués que par l’exercice des voies de recours prévues par la loi en faveur des parties au litige ;

Attendu que, par la dépêche du 15 janvier 1991, le garde des sceaux, ministre de la justice, impute à faute disciplinaire à M. X, juge d’instruction à V, des « insuffisances professionnelles » dans l’exercice des fonctions de juge d’instruction et une « application systématiquement erronée de règles de procédure pénale » ;

Sur le premier grief

Attendu qu’il est reproché à M. X d’avoir délaissé, dans des conditions inadmissibles, les dossiers d’instruction qui lui avaient été confiés ;

Attendu qu’en l’état des éléments soumis à l’appréciation du Conseil supérieur de la magistrature, il a été observé que, dans un certain nombre de cas, un laps de temps assez long et non justifié s’est écoulé entre deux interventions successives de ce juge dans un même dossier, ainsi :

- treize mois dans la procédure n° 62.87,

- onze mois dans les procédures n° 25.87, 17.88 et 60.89,

- dix mois dans les procédures n° 38.88 et 7.89,

- neuf mois dans la procédure n° 34.89,

- huit mois dans les procédures n° 101.86 et 54.89 ;

Qu’il résulte de ces constatations que M. X, paraissant avoir perdu de vue ce qui doit être l’une des préoccupations essentielles d’un magistrat instructeur, n’a pas toujours veillé à ce que ses dossiers dans leur ensemble soient traités dans les meilleurs délais possibles et ne subissent pas de retard constitutif d’une négligence professionnelle ;

Attendu qu’il doit être relevé que M. X avait été installé, dans ses fonctions de juge d’instruction en janvier 1989 et avait donc été amené à « prendre en charge » des dossiers ouverts par son prédécesseur et toujours en cours d’instruction ;

Qu’avant le mois de juin 1990, ce magistrat n’avait fait l’objet d’aucune mise en garde sur la gestion de son cabinet, de la part des autorités judiciaires ayant seules pouvoir légal de contrôle (président de la chambre d’accusation), encore que sa notation annuelle par ses chefs hiérarchiques lui ait fait apparaître l’évidente médiocrité de sa puissance de travail et de son dévouement au service ;

Attendu, par ailleurs, que les carences relevées au soutien des poursuites disciplinaires – pour regrettables qu’elles soient de la part d’un juge – restent limitées en nombre de procédures « délaissées » et n’ont pas atteint un degré de gravité suffisant à caractériser la faute qui doit relever du conseil de discipline ;

Sur le second grief

Attendu qu’il est également reproché à M. X d’avoir violé l’article 82 du code de procédure pénale en omettant systématiquement, alors qu’il avait décidé de ne pas suivre les réquisitions du parquet, de rendre une ordonnance dans les cinq jours de ces réquisitions ;

Attendu qu’il a été constaté, en ce qui concerne les quatre procédures visées dans la plainte du garde des sceaux et dans lesquelles le parquet avait demandé la mise en détention de l’inculpé, que M. X n’a rendu son ordonnance qu’après une nouvelle demande expresse du parquet ;

Attendu que, s’il y a lieu de déplorer une telle attitude de la part d’un juge qui, lorsqu’il est saisi par l’une des parties à l’instance de conclusions ou de réquisitions, doit toujours donner, dans les moindres délais, une réponse motivée, il convient cependant d’observer que, dans les quatre cas ci-dessus relevés, l’exercice des voies de recours par le parquet a toujours été possible et qu’ainsi il n’a pas été fait obstacle en l’espèce au cours normal de la justice ;

Attendu, enfin, que les autres faits imputés à faute à M. X, dans les procédures concernant MM. Y et Z, ne sont pas suffisamment établis et ne peuvent être retenus ;

Attendu, dans ces conditions, que la preuve n’est pas rapportée que M. X ait commis un manquement grave et caractérisé aux devoirs de son état de juge ;

Par ces motifs,

Dit n’y avoir lieu à sanction disciplinaire à l’encontre de M. X.