Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
19/12/1963
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (obligation de rédaction des décisions), Manquement au devoir de légalité (obligation de tenue des audiences), Manquement au devoir de légalité (devoir de respecter la loi), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Décision
Admission à cesser ses fonctions
Mots-clés
Retard
Négligence
Légalité
Rédaction des décisions
Audience
Etat de magistrat
Fonctions
Probité
Dignité
Admission à cesser ses fonctions
Juge
Fonction
Juge au tribunal de grande instance
Résumé
Retards dans la rédaction des décisions. Non accomplissement d’actes de procédures. Non tenue d’audiences et retards à celles-ci

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 12 février 1959 relatifs au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les dépêches de M. le garde des sceaux des 18 septembre et 4 novembre 1963 dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, juge au tribunal de grande instance de V ;

Sur le rapport de M. le conseiller Dedieu ;

Ouï M. X en ses explications et Me Valensi, avocat à la cour d’appel de Paris, son conseil ;

Attendu qu’il ressort du dossier que M. X, juge au tribunal de grande instance de V depuis le 15 décembre 1961, a presque exclusivement borné son activité professionnelle à l’assistance aux audiences – encore y arrivait-il fréquemment en retard malgré les observations réitérées du président, perturbant le service et obligeant avocats ou avoués à le remplacer – ; que notamment, au prétexte d’une foulure l’empêchant de marcher, il a pris trois jours de repos à partir du 19 mars 1963 ; que cependant, ce même jour, il s’est rendu à pied au palais de justice pour s’y livrer à une occupation personnelle futile, qu’il s’y est fait aider par un employé subalterne le rendant ainsi témoin de ses défaillances ;

Attendu que, chargé des fonctions de président suppléant de la commission de première instance de sécurité sociale de W, M. X omettait de rédiger nombre de décisions, que les services compétents ayant signalé cet état de choses, il s’était engagé à terminer ce travail dans un délai qu’il n’a pas respecté ;

Attendu que le comportement de M. X l’a déconsidéré auprès de la population de la ville et des autorités municipales ;

Attendu que dès le début de sa carrière dans le cadre de la France d’Outre-mer, ce magistrat a eu la même attitude d’irrémédiable inertie qu’aucune exhortation ou mise en demeure des chefs de cour n’a pu modifier, que les retards dans le service se sont compliqués de graves manquements : omission d’actes d’instruction et notamment dans des procédures criminelles urgentes, maintien en état d’arrestation arbitraire de prévenus non interrogés, non tenue des audiences foraines, nombre très insuffisant des visites de prisons ; qu’il a tenté de masquer cette situation en tolérant que des interrogatoires soient effectués par un greffier et en fournissant des comptes rendus inexacts ;

Attendu que M. X a été mis le 12 juin 1959 à la disposition du gouvernement de la Haute-Volta, qu’il a continué les mêmes errements et ainsi amené les autorités de ce pays à saisir de son cas la commission prévue par la convention judiciaire franco-voltaïque ; que le magistrat français qui préside cet organisme a fait une enquête d’où résulte la preuve des négligences et fautes de service dénoncées, que l’intéressé les a reconnues devant la commission qui, en sa séance du 9 février 1960, a émis l’avis que M. X soit remis à la disposition du gouvernement de la République française, ce qui fut fait, que les chefs de la cour d’appel avaient transmis le dossier avec les plus sévères appréciations et dès lors réclamé des sanctions disciplinaires ;

Attendu que M. X a fait l’objet d’un examen mental à la demande de M. le garde des sceaux, que le médecin psychiatre qui y a procédé a conclu dans son rapport en date du 2 juillet 1953 qu’il n’était atteint d’aucune anomalie ni même de troubles graves de caractère ;

Par ces motifs,

Prononce contre M. X la sanction disciplinaire prévue par l’article 45, paragraphe 6, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 (admission à cesser ses fonctions).