Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
20/05/1998
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge)
Avis
Déplacement d'office
Décision Garde des sceaux
Conforme (19 juin 1998)
Mots-clés
Alcool
Circulation (accident)
Condamnation pénale
Probité
Dignité
Déplacement d'office
Substitut général
Fonction
Substitut général
Résumé
Condamnation d’un magistrat pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ayant causé des blessures

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,

Vu les articles 55 et 65 de la Constitution, ce dernier modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ;

Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;

Vu la dépêche en date du 28 octobre 1997 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, à M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, saisissant cette formation pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X, l’entier dossier ayant été mis à sa disposition ;

Vu le dossier administratif de M. X, également mis préalablement à sa disposition ;

Vu les débats qui se sont déroulés non publiquement, à la demande de l’intéressé, à la Cour de cassation, le mercredi 13 mai 1998, au cours desquels :

- M. X a comparu, assisté de M. Auguste Tillet, avocat général à la cour d’appel de Paris ;

- le rapporteur a été dispensé par toutes les parties et les membres du Conseil de la lecture de son rapport qui avait été antérieurement communiqué à tous ;

- M. X a été interrogé sur les faits dont le Conseil était saisi et a fourni ses explications, M. le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes, M. Tillet a été entendu en ses moyens de défense et M. X a eu la parole le dernier, le principe de la contradiction et l’exercice des droits de la défense ayant ainsi été assurés, l’affaire ayant ensuite été mise au délibéré au 20 mai 1998 ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil supérieur que M. X, substitut du procureur général près la cour d’appel de V, a causé le 21 novembre 1996 un accident de la circulation alors qu’il conduisait sa voiture automobile ;

Considérant qu’il résulte de l’enquête que la voiture de M. X, après un dépassement, a heurté un véhicule qui survenait en sens inverse ; que M. X, dont l’alcoolémie était de 2,48 grammes pour 1 000, circulait à une vitesse qui était bien supérieure à celle autorisée et qu’il évalue à environ 140 km/h ; que l’accident a provoqué de graves blessures outre à M. X lui-même, à sa passagère et au conducteur du véhicule heurté ;

Considérant que, poursuivi pour blessures involontaires avec conduite sous l’empire d’un état alcoolique et contravention au code de la route, M. X a été, par un jugement du 9 avril 1997 devenu définitif du tribunal correctionnel de W, condamné aux peines de sept mois d’emprisonnement avec sursis, de 4 000 et 1 000 francs d’amende ; que son permis de conduire a été annulé ;

Considérant que M. X reconnaît les faits faisant l’objet de la poursuite ; qu’il indique, en particulier, qu’il avait absorbé, le jour de l’accident, du pastis et de la bière et qu’il était alors « très énervé » par les agissements de son épouse à son égard ;

Considérant en définitive, que le comportement de M. X constitue un manquement aux devoirs de son état et à la dignité de sa fonction ; que l’appréciation du niveau de la sanction disciplinaire qui doit en résulter doit cependant tenir compte de la franchise manifestée par ce magistrat, des regrets qu’il exprime et des excellents états de service dont témoigne son dossier administratif ;

Par ces motifs,

Émet l’avis qu’il y a lieu de prononcer contre M. X la sanction du déplacement d’office prévue à l’article 45, 2°, du statut de la magistrature ;

Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.