Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet

Date
29/10/1982
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Avis
Révocation sans suspension des droits à pension
Décision Garde des sceaux
Conforme (3 décembre 1982)
Mots-clés
Condamnation pénale
Emprisonnement
Délit
Entrée en fonction
Probité
Dignité
Honneur
Révocation sans suspension des droits à pension
Substitut du procureur de la République
Fonction
Substitut du procureur de la République
Résumé
Magistrat condamné après son entrée dans la magistrature à une peine d’emprisonnement et à une amende pour un délit commis antérieurement à son entrée en fonction

La commission de discipline du parquet, sur la poursuite disciplinaire exercée à l’encontre de M. X, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de V, affecté au tribunal de grande instance de W,

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 70-642 du 17 juillet 1970, notamment les articles 63, 64 et 65 de ce texte ;

Vu la dépêche en date du 21 mai 1982 de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, transmettant le dossier personnel de M. X, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de V, affecté au tribunal de grande instance de W, à M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la commission de discipline du parquet, et le priant de réunir la commission afin de lui soumettre pour avis les faits reprochés à ce magistrat ;

Vu l’audition en date du 5 juillet 1982 de M. X, à qui son dossier avait été communiqué préalablement par M. Georges Picca, avocat général à la Cour de cassation, désigné en qualité de rapporteur par arrêté de M. le procureur général près la Cour de cassation en date du 24 juin 1982 ;

Attendu que M. X a comparu le 29 octobre 1982 devant la commission de discipline du parquet, en l’absence de son conseil, Me Calon, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui a produit un mémoire annexé au dossier ; que M. Jorda, directeur des services judiciaires au ministère de la justice, a été entendu ; que M. Picca a donné lecture de son rapport ; que M. X a fourni ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui étaient reprochés ;

Attendu que M. X, avocat au barreau de B, a été nommé le 19 février 1975 substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de V, puis affecté en la même qualité au tribunal de grande instance de W le 15 décembre 1977 ; que par arrêt devenu irrévocable du 22 décembre 1980, il a été condamné à quinze mois d’emprisonnement et 10 000 francs d’amende pour escroquerie, délit commis de 1971 à 1974 ;

Attendu que M. X fait valoir que les faits qui ont entraîné cette condamnation sont tous antérieurs à son entrée dans la magistrature, qu’il n’y a donc pas lieu à poursuites disciplinaires devant la commission de discipline du parquet qui est incompétente ; subsidiairement qu’il n’a pas commis de faute dans l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 65-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, enfin qu’il convient de surseoir à statuer jusqu’à décision sur la demande d’amnistie individuelle qu’il a formée ;

Mais attendu que si les faits qui ont entraîné la condamnation du 22 décembre 1980 sont antérieurs à la nomination de M. X en qualité de magistrat, cette circonstance ne prive pas l’autorité disciplinaire compétente du droit d’apprécier la compatibilité de ces faits avec l’exercice de fonctions judiciaires ;

Attendu que l’autorité de chose jugée qui s’attache à l’arrêt précité du 22 décembre 1980 interdit à M. X de contester devant la commission de discipline du parquet les faits qui ont été retenus contre lui ;

Attendu que si ces faits n’ont pas été commis dans l’exercice de ses fonctions de magistrat du parquet, ils n’en constituent pas moins des fautes disciplinaires d’une exceptionnelle gravité ; qu’ils sont contraires à l’honneur et à la dignité au sens de l’article 43 de l’ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 et sont incompatibles par leur nature avec l’exercice de fonctions judiciaires ;

Attendu enfin que la demande d’amnistie par mesure individuelle formée par M. X ne présentait aucun caractère suspensif et au surplus a été rejetée le 10 décembre 1981 ;

Par ces motifs,

La commission, après en avoir délibéré à huis clos, émet l’avis que soit prononcée à l’encontre de M. X la sanction de la révocation sans suspension de ses droits à pension, prévue par l’article 45 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

Dit que le présent avis sera transmis à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, par les soins de M. le procureur général près la Cour de cassation, président de la commission de discipline du parquet.